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du côté de l’Autriche, les autres préconisant une entente avec la Prusse. On finit néanmoins par se rallier au programme d’action, mais la victoire remportée par M. Drouyn de Lhuys fut de courte durée. Le lendemain il cherchait en vain dans le Moniteur le décret de convocation des chambres, arrêté la veille dans la séance du conseil. Il n’y trouvait que les lignes suivantes : « Un fait important vient de se produire ; après avoir sauvegardé l’honneur de ses armes en Italie, l’empereur d’Autriche, accédant aux idées émises par l’empereur Napoléon dans sa lettre adressée le 11 juin à son ministre des affaires étrangères, cède la Vénétie à l’empereur des Français et accepte sa médiation pour amener la paix entre les belligérans. L’empereur Napoléon s’est empressé de répondre à cet appel et s’est immédiatement adressé aux rois de Prusse et d’Italie pour amener un armistice. »

Pour le public, cette déclaration semblait être le couronnement victorieux de notre neutralité. Paris salua ce succès apparent en se pavoisant et s’illuminant ; il ne se doutait pas de l’émoi qui régnait à la cour, ni de la lutte violente, passionnée qui s’était engagée entre l’influence autrichienne et l’influence italienne autour du souverain perplexe et déconcerté. Les adversaires du ministre des affaires étrangères étaient revenus à la charge dans la soirée ; leurs conseils avaient prévalu d’autant plus aisément qu’il répugnait à l’empereur, affaibli par la maladie, de se réduire par une attitude trop énergique à la nécessité immédiate de faire la guerre. M. Rouher, qui dans le mécanisme gouvernemental créé par Napoléon III exerçait une influence prépondérante, s’était rallié, dit-on, à l’idée de la neutralité, convaincu de l’insuffisance de nos forces, et persuadé que les 80,000 hommes promis par le maréchal Randon, dont une partie seulement était disponible, ne serviraient qu’à compromettre la France. — « Vous ne pouvez, disait-on à l’empereur, vous prononcer contre la Prusse, après avoir jeté l’Italie dans ses bras. Ce serait trahir le roi Victor-Emmanuel ! Il fallait refuser le consentement au traité si vous vouliez suivre les conseils de M. Drouyn de Lhuys. Tout au plus nous est-il permis de rester neutres[1]. »

C’était exagérer à coup sûr nos devoirs envers l’Italie, car nous n’étions liés avec elle par aucun traité, et nous nous trouvions dégagés de toute obligation morale par le fait de la cession de la Vénétie. Les adversaires de la politique d’action n’en prétendaient pas moins qu’en cédant brusquement la Vénétie, l’Autriche n’avait voulu qu’arrêter l’offensive de l’armée italienne, humilier son adversaire en refusant de traiter directement avec lui et jeter entre la

  1. M. Hansen.