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ouvrier, qui poursuivait un blaireau, le voyant entrer dans un trou, y avait introduit un bâton pour l’atteindre ; il s’aperçut bientôt que le trou s’agrandissait aisément, et, quand il eut écarté quelques grosses pierres, il vit que l’ouverture donnait accès dans une grande salle. M. Texier, qu’on avertit, y entra le premier et y fut témoin d’un beau spectacle : tandis que ce premier rayon du jour, pénétrant dans des profondeurs où l’ombre régnait depuis des siècles, faisait frissonner tout un monde d’insectes qui en avaient fait leur résidence, il éclairait les lianes et les stalactites qui pendaient à la voûte, et les petites mares d’eau qui brillaient dans les fonds. De cette salle on arrivait dans une autre, qui était suivie d’autres encore. Il y en avait tant, nous dit M. Texier, et elles étaient si vastes, que, pour se reconnaître dans cette obscurité, on fut obligé de se diriger à la boussole, comme dans une forêt vierge. Depuis cette époque, des fouilles ont été exécutées dans le palais de Trajan par l’ordre du prince Torlonia, auquel appartient tout le pays ; malheureusement ce n’était pas dans un intérêt scientifique. Comme on ne cherchait que des objets d’art pour enrichir le musée de la Longara, on a fouillé avec beaucoup de hâte et de secret. La récolte faite, on s’est hâté, selon l’antique usage, de recouvrir tout ce qu’on avait mis au jour. M. Lanciani, à qui on a permis, par grande faveur, d’entrevoir ces belles ruines, n’a pas eu même le loisir d’en lever le plan. Il nous parle de bains, de temples, de salles splendides, d’un petit théâtre, parfaitement visible, où Trajan venait sans doute se délasser au spectacle des pantomimes, qu’on lui reprochait de trop aimer ; enfin d’un portique immense dont les colonnes, qui étaient encore à leur place, ont fait donner au palais entier, dans le pays, le nom de Palazzo delle cento colonne. Ces débris étaient si beaux qu’ils arrachaient des cris d’admiration au paysan grossier qui conduisait M. Lanciani. Après avoir échappé aux barbares du moyen âge et aux amateurs de la renaissance, plus terribles souvent que les barbares, ils ont achevé de périr obscurément de nos jours, par l’ordre d’un grand seigneur, maladroitement épris d’antiquités ; Quod non fecerunt barbari, fecerunt Barberini.

Ce n’était pas seulement le palais de l’empereur qui étalait tant de magnificence ; nous savons que la ville elle-même était riche et somptueuse. C’est ce que montrent assez les belles colonnes, les marbres précieux, les admirables statues qu’on y a trouvés. Tout devait y être en abondance. Tacite raconte qu’après l’incendie de Rome, sous Néron, on construisit en toute hâte, au Champ de Mars et dans les jardins publics, des abris provisoires pour la foule des gens qui n’avaient plus d’asile. Il fallut au plus vite les garnir de meubles : on les fit venir d’Ostie. Il y en avait donc beaucoup plus