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nombreux séjours à Ostie. Il s’y trouvait le jour où il prit fantaisie à sa femme Messaline, lui vivant et régnant, de se marier en grande cérémonie avec son amant Silius. Tacite rapporte que le lendemain des noces, tandis qu’elle se livrait avec ses amis à une sorte d’orgie ou de bacchanale furieuse, l’un d’eux, dans une saillie de débauche, monta sur un arbre élevé, et que, comme on lui demanda ce qu’il voyait, il répondit qu’un affreux orage arrivait d’Ostie. C’était le mari qui, prévenu un peu tard, venait troubler la fête.

Le-port de Claude existe encore; seulement, grâce au progrès de l’ensablement, il se trouve aujourd’hui au milieu des terres, mais on peut en distinguer la forme et en mesurer l’étendue. On l’avait creusé à quelque distance de l’ancienne Ostie, au-dessus de l’embouchure du Tibre, peut-être dans la pensée de le préserver des sables. Il était formé, à droite et à gauche, par deux jetées solides, « semblables, dit Juvénal, à deux bras qui s’avancent dans la mer. » En face des jetées, on avait coulé, en le remplissant de pierres, l’énorme vaisseau sur lequel on venait de rapporter un des plus grands obélisques de l’Egypte. C’était devenu une sorte d’îlot, qui protégeait le port contre les vagues et ne laissait des deux côtés, pour y pénétrer, qu’une passe garnie de chaînes de fer. Sur cette petite île, on éleva un phare, c’est-à-dire une tour à plusieurs étages, ornée de colonnes et de pilastres comme celle qui servait à éclairer le port d’Alexandrie. A la lueur des feux que le phare projetait sur les eaux, les navires pouvaient se diriger pendant la nuit et pénétrer dans le port à toutes les heures et par tous les temps.

Quoique le port de Claude mesurât, selon M. Texier, 70 hectares de surface, il fut bientôt trop étroit, et l’on éprouva, sous Trajan, le besoin de l’agrandir. Ce prince infatigable, qui remplit le monde d’édifices de toute sorte, surtout de monumens utiles, s’était fort préoccupé des constructions maritimes. Il avait réparé le port d’Ancône et fondé celui de Centumcellœ (Civita-Vecchia). A Ostie, au lieu de se contenter d’étendre le port de Claude, il en fit creuser un nouveau, qui, comme l’autre, est encore visible au milieu des terres, et dont on distingue aisément la forme et les contours aux ondulations du sol. C’était un bassin hexagone de près de 40 hectares, bordé de tous les côtés par un quai de 12 mètres, avec des bornes de granit qui devaient servir à amarrer les navires et qui sont encore à leur place. Le nouveau port faisait suite à l’ancien, auquel il se reliait par un canal de 118 mètres de largeur. Pour le mettre en communication avec le Tibre, et par le Tibre avec Rome, on creusa un autre canal (fossa Trajana), qui est devenu avec le temps un nouveau bras du fleuve, le seul qui soit aujourd’hui navigable et qu’on appelle le Fiumicino. Les navires entraient donc dans le port de Claude et passaient de là dans celui