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beau coup qu’il vient de faire, tandis que l’autre agite les dés dans le cornet avec l’espoir de faire un plus beau coup encore. Dans le tableau suivant nos deux joueurs se disputent; chacun d’eux prétend avoir gagné. Ils se disent de grosses la jures que reproduisent des inscriptions placées au-dessus de leur tête. Au bruit accourt le cabaretier qui, avec beaucoup de politesse et dans une attitude respectueuse, les prie de « s’aller battre à la porte. »

On voit que les fouilles de Pompéi ont été loin d’être stériles pendant ces dernières années. Elles continuent à nous faire connaître sous tous ses aspects la vie intime et publique de la société romaine; elles fournissent toujours aux historiens des renseignemens importans sur l’état du monde et la prospérité de l’empire au Ier siècle. Les découvertes qu’on y a faites et que j’ai très sommairement analysées nous prouvent qu’on n’a pas eu tort de poursuivre les travaux commencés. Même quand les résultats n’en ont pas été très remarquables, ils suffisent à entretenir nos espérances, et à nous faire deviner ce que Pompéi nous garde encore de surprises et de leçons.


III.

Entre Pompéi et Ostie, les différences sont grandes ; d’abord les deux villes ne sont pas aussi facilement accessibles l’une que l’autre. Tout le monde aujourd’hui visite Pompéi : c’est la grande curiosité de Naples. Les guides la signalent à tous les voyageurs, et il n’y a rien de plus aisé que de s’y rendre. Un chemin de fer, qui longe le plus beau golfe du monde, vous dépose, en une demi-heure, en face d’une des portes de la ville. On ne va pas aussi commodément à Ostie. Il n’y a pas de chemin de fer, ni même de voiture publique qui y mène. C’est une excursion qu’il faut méditer et préparer à l’avance. Aussi les voyageurs, qui d’ordinaire sont pressés, et à qui Rome suffit, se hasardent-ils rarement à l’entreprendre. Ils ont tort et se privent d’un grand plaisir : même après Pompéi, Ostie est curieuse à voir ; elle a de quoi intéresser et instruire tous les amis de l’antiquité.

Le voyage est assez: monotone. On sort par la porte Saint-Paul, l’ancienne porta Ostiensis, et l’on suit presque tout le temps le Tibre. D’ordinaire les bords d’un fleuve sont rians et verts, et l’on en devine le cours aux touffes d’arbres qui l’ombragent. Ici la verdure est absente : le Tibre, jaune et silencieux, coule entre quelques maigres arbrisseaux et des broussailles blanchies par la poussière. C’était pourtant un lieu de plaisir dans les beaux temps de l’empire. Les financiers, les grands seigneurs achetaient très cher