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dans les villes antiques. Ils passaient pour être des gens joyeux qui avaient le goût du plaisir et des gais propos ; aussi la comédie populaire de Rome aimait-elle beaucoup à s’occuper d’eux et à les mettre sur la scène. Le spectacle des foulons en bonne humeur (fullones feriati) avait le privilège d’amuser le peuple. La découverte de la nouvelle fullonica nous prouve que les foulons de Pompéi ressemblaient à ceux de Rome. On a trouvé sur le mur du portique où se lavait la laine les restes d’une grande fresque, malheureusement très effacée, mais qui paraît avoir été peinte avec beaucoup de verve comique. On croit qu’elle représentait la fête de Minerve (quinquatrus), qui était aussi celle des foulons. Ils se livrent à la joie avec tant de pétulance que les jeux se terminent quelquefois par des coups, et l’on y distingue un malheureux qui a été battu jusqu’au sang et qui vient se plaindre à la justice. Mais les scènes gaies dominent: ce sont des danses, des festins où les convives sont dépeints dans des attitudes grotesques ou obscènes que Rabelais oserait seul décrire. Cette liberté de pinceau nous rappelle que nous sommes dans le pays où fut créée l’atellane.

La nouvelle fullonica a un autre intérêt pour nous; elle se compose de deux parties : l’une, qui servait d’atelier aux ouvriers, est merveilleusement conservée. On dirait que le travail vient à peine! de cesser; les bassins où l’on plaçait le linge sont intacts, et il semble que les robinets de fer, qui sont restés à leur place, vont y faire couler l’eau du Sarnus. Dans un coin, on voit une urne pleine de la matière crétacée qu’on y avait mise la veille ou le jour même de l’éruption. Toute cette partie paraît déjà propre, convenable, et même élégamment décorée ; mais il est difficile de n’être pas beaucoup plus frappé des appartemens du maître qui sont contigus. On y remarque surtout une assez grande pièce qui communiquait directement avec l’atelier et pouvait servir à recevoir les cliens. Elle est ornée de peintures très agréables, dont l’une représente la toilette de Vénus : la déesse a juste ses cheveux et se regarde dans un miroir, tandis qu’auprès d’elle un amour tient une boîte de parfums. Ce n’étaient donc pas seulement les riches, les lettrés, les gens de loisir et d’étude qui appréciaient les peintures gracieuses. Le goût en était descendu des classes élevées jusqu’aux industriels et aux commerçans ; ils voulaient tous que les murailles de leurs chambres ou de leurs portiques en fussent couvertes. C’est ainsi que, pour les satisfaire, il s’était formé alors une foule de peintres-décorateurs d’une habileté de main vraiment merveilleuse, artisans sans doute et ouvriers par la facilité et la rapidité de leur travail, mais artistes véritables par leur manière de comprendre les œuvres des maîtres, par le talent qu’ils avaient de les approprier à des conditions et à