qu’il sous-louait peut-être ou qu’il faisait valoir lui-même. Voilà ce qu’imaginait un banquier de petite ville pour s’enrichir ! Les quittances de Jucundus nous font saisir sur le vif une profession que nous ne connaissions guère. Elles ne sont pas sans importance; mais surtout elles ont ranimé, dans le monde savant, l’espoir qu’on avait à peu près perdu de retrouver un jour, parmi les ruines de Pompéi, quelque bibliothèque ou tout au moins une archive un peu plus riche et plus lettrée que celle du banquier Jucundus.
En face de la maison du banquier, on a mis au jour une fullonica, c’est-à-dire une boutique de foulon. On en connaissait déjà plusieurs autres, une surtout qui est célèbre parce qu’elle contenait des fresques intéressantes qui représentaient d’une façon fort habile et très vivante toutes les opérations du métier. Ce métier était alors très important. Tous les citoyens romains qui se respectaient, dans la capitale et dans les provinces, portaient la toge : c’était l’habit élégant, le vêtement officiel et de cérémonie; il désignait et distinguait les maîtres du monde,
Romanos rerum dominos gentemque togatam.
Mais, si l’ampleur majestueuse de la toge, l’élégance de ses plis,
l’éclat de sa blancheur, surtout quand elle était relevée par une
bande de pourpre, en faisaient un des vêtemens les plus beaux que
l’homme ait portés, il avait le double inconvénient d’être incommode et de se salir aisément. Quand on voulait qu’il fût propre et
qu’il fît honneur à celui qui devait s’en revêtir, on l’envoyait chez
le foulon. Là, on commençait par le jeter dans des cuves pleines
d’eau, de craie et d’autres ingrédiens. On le lavait ensuite, non pas
en le pressant avec les mains, comme on fait aujourd’hui, mais en
le foulant avec les pieds. L’ouvrier qui était chargé de ce soin exécutait sur la cuve une sorte de mouvement à trois temps (tripudium), comme celui du vigneron qui presse le raisin. Par un hasard
étrange, le tripudium était devenu la danse nationale et religieuse
des vieux Romains; c’était celle qu’exécutaient les frères Arvales,
pendant qu’ils chantaient cette chanson aux dieux Lares qu’un hasard nous a conservée, ou les Saliens, quand ils parcouraient les rues
de Rome au mois de mars en frappant de leur petite épée sur leur
bouclier d’airain. Lorsque le linge était ainsi lavé, on l’étendait sur
une cage en osier où il recevait les exhalaisons du soufre; on retirait, on le cardait avec une longue brosse; on le plaçait enfin sous
un pressoir qui ressemblait beaucoup à ceux dont on se sert pendant les vendanges. Plus il y était serré, plus il sortait blanc et brillant. Ces opérations variées demandaient un vaste local et un personnel nombreux. Les foulons étaient donc en très grand nombre