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d’une déception. Comme on commence par trop attendre, il est naturel que la réalité ne soit pas à la hauteur des espérances. Après tout, on ne pouvait pas supposer que la maison d’un banquier contînt beaucoup d’ouvrages de haute littérature, et il n’y a pas lieu d’être surpris qu’on y ait trouvé des livres de compte. Le coffre de Jucundus renfermait 132 quittances qu’on lui avait signées et dont 127 ont été déchiffrées en totalité ou en partie. Presque toutes ces quittances (116 sur 127) se rapportent aux ventes à l’encan et elles achèvent de nous en faire bien connaître le mécanisme. La vente à l’encan (auctio), qui nous sert aujourd’hui à nous défaire de nos livres, de nos meubles et de nos tableaux, après avoir été d’abord réservée, chez les Romains, aux ventes forcées, c’est-à-dire à celles que l’état faisait des biens des condamnés, et les créanciers de ceux de leurs débiteurs, avait fini par être employée pour toutes les autres. M. de Petra fait remarquer que cette façon de vendre était devenue si générale que les mots auctionari ou auctionem facere étaient regardés comme de simples synonymes de vendere. Il y avait dans les villes importantes de grandes salles bâties exprès, avec des cours et des portiques, qu’on appelait atria auctionaria. Celui qui présidait à l’encan devait savoir tenir les comptes et dresser un procès-verbal en règle; aussi désignait-on souvent pour cet office un banquier de profession. Voilà comment Cœcilius Jucundus en était chargé à Pompéi. La présidence du banquier avait d’ailleurs un autre avantage : la vente se faisait d’ordinaire argent comptant (prœsenti pecunia) et l’acheteur devait s’acquitter tout de suite; quand il n’avait pas la somme à sa disposition, le banquier l’avançait, il faisait donc, dans les opérations de ce genre, deux sortes de bénéfice : d’abord la retenue qu’il prélevait sur la somme totale de la vente pour payer sa peine, ensuite l’intérêt qu’il exigeait de l’acheteur pour l’argent qu’il lui prêtait. Nos tablettes qui, sauf quelques différences insignifiantes, sont toutes rédigées de la même façon, contiennent la quittance du vendeur au banquier, qui fournit les fonds et représente l’acheteur véritable, dont il est l’intermédiaire. Ces pièces ont surtout de l’intérêt pour les jurisconsultes; d’autres, malheureusement en trop petit nombre, une dizaine au plus, nous donnent des renseignemens curieux sur les finances des municipes romains et la manière dont ils administraient leurs propriétés. Elles sont signées du trésorier de la ville, et nous apprennent que Cœcilius Jucundus, qui ne se contentait pas des bénéfices que lui procuraient les ventes à l’encan, avait aussi pris à ferme des biens communaux; nous savons de quel prix il payait des pâturages, l’usufruit d’un champ qui appartenait au municipe et une boutique de foulon