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accidentée est bien connue aux États-Unis, dont le nom a traversé l’Atlantique, qui a occupé de hautes positions militaires et civiles, et qui aspire ouvertement à la présidence des États-Unis. Le 4 juillet dernier, jour anniversaire de l’indépendance des États-Unis, alors que toutes les voix autorisées s’élevaient d’un bout à l’autre de l’Union pour célébrer le patriotisme des héros de l’indépendance, le général Benjamin Butler a prononcé un discours qui a eu un grand retentissement, et dans lequel il se pose comme le défenseur et le chef du workingmen’s party, et sollicite ses suffrages pour l’élection présidentielle.

Né dans le New-Hampshire en 1818, Ben Butler, comme on le désigne familièrement aux États-Unis, suivit d’abord la carrière légale. Il se signala dans la vie politique comme membre du parti démocratique et fut élu par lui sénateur de l’état de Massachusets en 1850. Il aspirait dès lors au poste de gouverneur de l’état. Quand éclata la guerre de la sécession, il était brigadier général de la milice. Le parti démocratique sympathisait avec le sud. Ben Butler rompit avec lui, se rallia au parti républicain, qui venait d’affirmer son triomphe par l’élection d’Abraham Lincoln, et sollicita un commandement. Il obtint celui du fort Monroe, puis en 1862 fut chargé de l’expédition dirigée contre la Nouvelle-Orléans. Le 24 avril 1862, la flotte fédérale, commandée par l’amiral Farragut, forçait les passes du Mississipi, et Butler prenait le commandement de la ville. Il se signala par des mesures violentes et des rigueurs exagérées contre ses anciens coreligionnaires politiques et se rendit célèbre par son fameux ordre du jour dirigé contre les femmes de Nouvelle-Orléans, qui ne lui ont pas pardonné l’outrage qu’il leur infligeait.

Relevé de son commandement et remplacé par le général Banks, il rentra dans l’armée active, mais échoua devant Petersburg et le fort Fisher. A la suite de ce double insuccès, il se retira. En 1866, le parti républicain, reconnaissant de ses services, le nomma membre du congrès, et le réélut jusqu’en 1874. Depuis lors, retiré de la vie politique, il s’est tenu à l’écart, méditant et préparant l’évolution qu’il vient d’accomplir.

Les partis sont rarement scrupuleux sur le choix des hommes et des moyens ; aussi, tout en conservant contre le général Butler des défiances légitimes, le workingmen’s party accueille avec transport cette recrue nouvelle, dont l’habileté est bien connue, et dont l’ambition vise la magistrature suprême.

En face de lui et contre lui, le parti républicain pose la candidature du général Grant. Ses allures autoritaires, ses tendances aristocratiques, les grands services qu’il a rendus, le désignent comme le chef du parti qui veut à tout prix maintenir, avec l’Union, le lien