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nom de compagnies volontaires et sous l’égide de la loi, ils s’exercent publiquement au maniement des armes; on connaît leurs chefs, leurs cadres et, moins exactement, le nombre d’hommes dont ils peuvent disposer. Dans l’état de la Pensylvanie par exemple, les estimations varient entre 60,000 et 90,000 volontaires armés et équipés. A New-York on en compte environ 50,000. Leurs chefs sont George Blair et Ralph Beaumont. Dans l’Ohio, à Youngstown, tous les conseillers municipaux, y compris le maire, sont affiliés au parti.

Il se recrute surtout parmi les émigrans allemands et irlandais et les nègres. Les premiers sont de beaucoup les plus nombreux et les plus influens. On en peut juger par les titres des principaux journaux du parti socialiste; ce sont : le Volks-Zeitung, l’Arbeiter-Zeitung, le Tagsblatt, l’Arbeiter-Stimme et le Socialistiche, qui se publient à New-York, Philadelphie et Chicago. L’Allemagne est largement représentée dans le conseil suprême. Louis Huck dirige la section de la Bohême, F. Leib, Paul Grottkau, condamnés à Berlin, Gustav Lyser, Henry Eude, tous deux échappés des prisons de Francfort et dont le dernier a figuré dans les événemens de la commune de Paris, sont au nombre des membres. La section française, peu nombreuse, a pour chef un nommé B. F. Millot. L’un des membres influens du conseil suprême écrivait en mai dernier : « Nous sommes à l’œuvre non-seulement dans toutes les grandes villes, mais aussi dans beaucoup d’autres, et nous gagnons du terrain avec une rapidité qui nous étonne nous-mêmes. Depuis le mois de juillet dernier, en dix mois, le chiffre de nos enrôlemens a quadruplé, et nous avons toute raison de croire que cette progression se maintiendra. A Cincinnati, les compagnies s’exercent chaque semaine, et d’une semaine à l’autre le nombre des hommes présens sous les armes s’accroît de 5 à 8 pour cent. »

A San-Francisco, Kearney adopta le même plan. En peu de jours, des compagnies de milice volontaire s’organisèrent sous les ordres de Knight, Wollock et autres. Les recrues affluaient. Kearney préparait-il un mouvement immédiat, ou bien attendait-il que les choses fussent plus avancées et que le signal de l’action fût donné par le conseil suprême ? Quoi qu’il en soit, un incident précipita les événemens. Le steamer Tokio était attendu le 17 janvier; il amenait à bord un nombre considérable de Chinois.

Les plus violens du parti résolurent de s’opposer à leur débarquement, et Kearney, mis en demeure d’agir, accepta la direction da mouvement. Dans la soirée du 15, de nombreux meetings furent convoqués, des placards menaçans affichés, et l’agitation prit des proportions telles que les autorités municipales et fédérales se réunirent secrètement pour aviser. Des émissaires furent expédiés à