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que nos autres amis, que vous avez tort, et grand tort, soit dans le fond de vos prétentions, soit dans la forme que vous y mettez. Vous avez tort dans le fond en ce que vous n’avez à vous plaindre de rien dans tous les traitemens que vous avez éprouvés. Je conviens que l’alternative de ministre et de secrétaire a quelque chose de fort extraordinaire, et qu’elle n’est convenable ni pour vous, ni pour la chose. Il me paraissait simple de vous laisser à Londres, comme M. Durand était à Varsovie avec moi... Tout cela est vrai et était bon à représenter à M. de Praslin, en s’en tenant aux bonnes raisons qu’il y avait à dire, sans menace de retraite... Je ne vous détaillerai pas tout ce que vous avez dit et écrit au lieu de cela; je vous avouerai seulement que, si c’était à moi, qui vous aime de tout mon cœur, et qui vous crois capable de tout, que vous eussiez écrit dans ce goût-là, je vous aurais sûrement mandé de laisser à Londres un secrétaire quelconque et de revenir chez vous pour n’être plus jamais employé... Ne pouviez-vous trouver mieux que des turlupinades et des sarcasmes qui, en tout genre, ne doivent pas être employés par des gens sensés? A toutes ces raisons qui me paraissent invincibles, j’ajouterai que vous avez un double tort dans cette occasion, de risquer d’être rappelé d’un poste où vous savez que vous êtes agréable et utile à Sa Majesté. Il vous a chargé en secret et particulièrement de la plus importante de toutes les affaires, et au moment qu’elle se met en train, vous vous mettez dans le cas de l’abandonner, car vous n’ignorez pas que le secret qu’il lui plaît de vouloir en garder ne lui permettrait pas de s’opposer à ce rappel. En vérité, vous n’étiez pas à vous quand vous avez pris ce parti, car je connais votre amour, votre respect pour le roi ; vous donneriez cent fois votre vie pour lui; à plus forte raison devez-vous lui sacrifier des dégoûts et supporter un peu de malaisance, d’autant plus que nous n’ignorons pas qu’il peut y remédier. A un motif aussi puissant, je ne m’aviserai pas de parler de la petite part que j’ai à tout cela. Je connais votre attachement, votre amitié pour moi. Serait-ce m’en donner une marque que d’abandonner une besogne à laquelle je participe, que je ne puis mener sans vous, et qui, en faisant le bien, le salut de l’état, peut contribuer à ma satisfaction? » Et en post scriptum, recevant apparemment une lettre de Paris qui l’informait de quelque nouvelle incartade, il ajoutait: « J’apprends encore que vous faites plus de haut-le-corps que jamais, et qu’on regarde votre retour comme décidé. J’en suis inconsolable, parce que c’est votre faute et que le roi en sera sûrement très mécontent. »

C’est probablement à la suite d’un de ces haut-le-corps que le chevalier envoyait à Tercier un chef-d’œuvre de déraison qu’il a jugé lui-même à propos de nous faire connaître :

« J’éprouve ici, disait-il, des tracasseries, des infamies, des injustices