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existant entre un ministre plénipotentiaire, capitaine de dragons, qui a fait dix campagnes politiques, et un ambassadeur lieutenant général qui débute... Quant aux gratifications, il faut absolument donner à tous ces gens-là, sans cela ils ne quittent pas la porte, font un sabbat horrible et finissent par la danse des c... Je suis heureusement garçon, mais ce sera votre affaire quand vous serez à Londres. Demandez à M. le duc de Nivernais, il lui en a coûté plus de quinze guinées pour n’être pas déclaré c... »

Le bruit de ces contestations arriva bientôt jusqu’à Tercier et au comte de Broglie, qui commencèrent à trouver leur secret bien hasardé en de telles mains. Ils s’efforcèrent d’empêcher à tout prix une rupture trop bruyante. Le comte de Broglie étant absent de Paris, ce fut Tercier qui se chargea d’écrire le premier à d’Éon, d’un ton presque suppliant. « Il est constant, disait-il, que vous avez raison dans le fond. On ne peut exiger de vous qu’après avoir été ministre plénipotentiaire du roi vous descendiez à être secrétaire, chaque fois que M. le comte de Guerchy ira en Angleterre, et que, lorsqu’il s’absentera, vous repreniez votre caractère de ministre, cela ne s’est jamais vu; nous vous donnons raison sur cet article; mais la forme de vos réponses nous fait une véritable peine, voyant qu’à chaque ligne, pour ainsi dire, vous mettez le marché à la main. Votre courage d’esprit, l’élévation de vos sentimens, votre philosophie désintéressée méritent certainement beaucoup de louanges, mais nous pensons que vous auriez dû faire vos réflexions... De grâce, abstenez-vous de plaisanteries, excellentes en leur genre, mais qui ne peuvent être prises en bonne part et qui font plus mauvais effet que la chose en elle-même... Et il y a une autre raison aussi importante, c’est que vous n’êtes pas le maître de vous livrer à ce que vos sentimens peuvent vous inspirer. Vous ne pouvez manquer au roi qui vous a confié une affaire importante, parce qu’il a compté sur vous... On a trop bonne opinion de votre zèle pour croire que vous vouliez laisser périr dans son commencement une si belle affaire, dont le succès peut vous être si agréable... On connaît le goût que vous avez pour les grandes choses, et vos talens pour en venir à bout. Voyez donc à ne pas vous brouiller, on ne pourrait y remédier, et nous ne pouvons nous figurer que vous préfériez un petit mouvement personnel à tout ce que le devoir le plus étroit, la satisfaction et la gloire peuvent vous dicter. Il est certain que M. le comte de Broglie serait inconsolable de voir échouer une affaire qu’il a si bien commencée... Mandez-moi par la première occasion des nouvelles qui me permettent de le satisfaire. »

De son côté, à peine arrivé à sa nouvelle résidence de Ruffec, ne recevant rien de satisfaisant de Londres, le comte joignait sa recommandation paternelle aux supplications de Tercier : « Je trouve, ainsi