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ESSAIS ET NOTICES.
Les Récits et les Élégies, par M. François Coppée, 1 vol. in-18. — Edel, par M. Paul Boury ; 1 vol. in-18. — Paris, 1878, A. Lemerre.


Pendant un temps, la nouvelle école poétique avait mis à la mode le sonnet et les pièces courtes, réduites à la dimension d’un médaillon ou d’une intaille. Nos poètes contemporains semblaient avoir peu de goût pour les longs récits ; leurs recueils ne contenaient le plus souvent qu’une suite de morceaux habilement exécutés, pleine de détails ingénieux et de savantes ciselures, mais manquant de souffle et d’ampleur. Depuis cinq ou six ans, le vent a heureusement tourné, les poètes sont revenus aux compositions de longue haleine, et leur inspiration s’est élargie. Déjà dans Olivier, M. François Coppée avait su prouver que les longs ouvrages ne lui font pas peur ; aujourd’hui son nouveau volume : les Récits et les Élégies, nous offre une série de poèmes de dimension moindre, mais plus harmonieusement et plus magistralement composés que l’œuvre précédente. De tous nos jeunes poètes, l’auteur du Passant et de la Bénédiction est sans contredit celui qui possède le mieux l’art difficile de la composition. Il ne se borne pas à présenter au public des fragmens plus ou moins réussis, il sait traiter un sujet, mettre chaque chose en sa place, diriger la lumière sur les points principaux, ne donner aux détails qu’une importance secondaire et préparer de longue main un dénoûment. Plusieurs de ces petits poèmes ont été publiés ici, et les lecteurs de la Revue ont déjà pu apprécier la grâce charmante du Liseron, les riches colorations de la Tête de la Sultane, l’émotion dramatique du Naufragé. Ils liront avec le même intérêt les Yeux de la femme, Moisson d’épées, Vincent de Paule, etc. — Ce qui distingue ce volume nouveau des œuvres précédentes du même auteur, c’est un souffle plus robuste, une pensée plus élevée. La manière de M. Coppée s’est agrandie ; tout en conservant son rare talent de coloriste, son habileté merveilleuse dans le choix et la mise en relief des détails, le poète a montré qu’il pouvait quitter le terre à terre de l’élégie familière et monter d’un vol plus libre vers des cimes plus hautes. Le public lui en saura gré.

Tandis que M. Coppée tente un retour vers le récit épique, M. Paul Bourg t, dans son poème d’Édel, essaie au contraire de peindre la vie moderne dans ce qu’elle a de plus complexe et de plus raffiné. Son livre, nous dit-il dans sa préface, « a été composé sous l’obsession d’une idée commune à bien des écrivains de cette génération: la recherche de ce phénix encore à trouver, malgré tant d’efforts et de si heureux : le poème moderne, » — Édel est une simple histoire d’amour enfermée dans les horizons connus de la Madeleine, des Champs-Élysées et du