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Sans doute, on y a ajouté beaucoup de centimes additionnels, mais ces centimes profitent aux communes et aux départemens qui les établissent et ont pour objet des dépenses qui augmentent encore la valeur des propriétés. Même avec ces centimes additionnels qu’on peut estimer aux deux tiers du principal, la propriété foncière ne fournit guère aujourd’hui plus de 330 millions d’impôts. C’est la douzième partie de son revenu. Autrement dit, elle paie maintenant 8 pour 100, contre 17 pour 100 au moment de la révolution. On ne peut donc pas dire qu’elle soit trop taxée, elle l’est évidemment fort peu, et il n’y a presque pas de pays en Europe où elle ne le soit davantage. Mais ce qui fait la grosse difficulté pour arriver à lui demander plus, c’est l’inégalité de la taxe. Les 8 pour 100 ne sont qu’une moyenne. Si on entre dans les détails, on trouve qu’il y a des terres grevées de 10 à 12 pour 100, et d’autres de 2 ou 3 pour 100 seulement. Cela tient à ce que, l’impôt foncier étant une taxe fixe, répartie chaque année, conformément à des évaluations faites en général il y a plus de cinquante ans, on ne tient pas compte des variations de revenus qui ont eu lieu depuis. Il y a telle parcelle de terre qui était autrefois une châtaigneraie, ou une lande ne produisant rien ou presque rien, et qui aujourd’hui plantée en vignes donne des revenus plus considérables que telle autre terre arable voisine qui n’a pas autant progressé. Comment faire pour remédier à cette inégalité? Comment établir d’abord le même impôt par rapport au revenu, et demander ensuite à l’ensemble de la propriété foncière plus qu’elle ne rapporte aujourd’hui? C’est là le problème à résoudre, et les difficultés sont grandes. Voyons d’abord les objections de principe.


I.

Nous ne nous arrêterons pas longtemps à celle qui consiste à dire que l’impôt foncier a été établi une fois pour toutes, que c’est une redevance fixe qu’on a demandée à la terre, et que si aujourd’hui, après quatre-vingts ou cent ans, on venait tout à coup en changer le chiffre, on porterait atteinte à des droits acquis et on violerait en quelque sorte le principe de la propriété. Toutes les transactions, ajoute-t-on, ont été faites en conséquence de cet impôt. Si vous dégrevez certaines parcelles de terre pour en charger d’autres d’autant plus, vous ne réparez pas une injustice; vous faites purement et simplement un cadeau à qui n’y a pas droit, et ceux que vous grevez davantage peuvent venir vous accuser de changer les conditions de leur contrat, et de diminuer la valeur de leur propriété. C’est une expropriation partielle que vous leur faites