vis-à-vis de l’état ne se comprennent pas toujours bien; on ne se rend pas compte des services qu’on reçoit en échange, on est tenté de les discuter, ou tout au moins d’en trouver le prix trop cher. Quand j’ai acheté un mètre d’étoffe pour me vêtir, ou une maison pour me loger, je vois bien l’avantage que j’en retire, je l’apprécie tous les jours et je ne ferai pas difficulté d’en payer le prix. Mais pour les services rendus par l’état, l’avantage n’est pas aussi facile à saisir. On a toujours une tendance à croire qu’ils profitent plus au voisin qu’à soi-même, et, s’ils doivent être payés avec les revenus de la nation, on voudrait que ce fût sur la fortune des personnes que cela gêne le moins, comme si la réunion en société était une pure association de bienfaisance où les riches doivent payer pour les pauvres. Cet impôt direct qui vient vous chercher à domicile, pour un chiffre déterminé et avec une échéance fixe, a donc quelque chose de désagréable, et l’on comprend parfaitement que, lorsque les états ont besoin de ressources supplémentaires, ils éprouvent quelque répugnance à y recourir. Ils préfèrent les demander sous une autre forme où on les sent moins et qui est en général très productive, je veux parler de celle des impôts indirects.
Nous l’avons dit ailleurs, il y a sur ce point un désaccord complet entre la théorie et la pratique. La théorie soutient qu’il faut prélever les impôts sur la partie fixe et consolidée de la richesse, que c’est la façon de les rendre plus légitimes et plus proportionnels; mais la pratique répond que c’est aussi la manière de les faire peser davantage, et que, l’élément moral jouant un grand rôle dans la production de la richesse, pouvant l’exciter ou la décourager, on a besoin de le ménager beaucoup. En économie financière comme en politique, ce qui paraît le plus logique n’est pas toujours ce qu’il y a de mieux, d’autres choses doivent être prises en considération. Ce qu’il y a de sûr c’est que, malgré les efforts de la théorie, malgré instruction plus répandue, et une notion plus claire des droits de l’état, plus on va et plus on donne la préférence aux impôts indirects sur les impôts directs, la disproportion entre les deux est d’autant plus grande que les pays sont plus riches et plus civilisés. En ce moment même, l’Allemagne, l’Angleterre, la Suisse, ont besoin de ressources nouvelles. A quelle sorte d’impôt les demandent-elles principalement? En Allemagne, M. de Bismarck propose d’augmenter tout simplement la taxe sur le tabac, ce qui ne paraît pas très populaire dans ce pays. En Angleterre, sir Stafford Northcote ne craint pas non plus d’ajouter une surtaxe à ce même impôt, en demandant, il est vrai, un léger supplément à celui du revenu. La Suisse cherche aussi à combler son déficit par des taxes nouvelles sur le tabac, les alcools et les billets de banque. En ce qui