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retrouve dans toutes les discussions parlementaires postérieures à la restauration, et nous pouvons le rappeler en peu de mots.

Dans les longues discussions du projet de loi sur le conseil d’état de 1833 à 1845, l’opinion hostile à la juridiction administrative exprimée par le duc de Broglie dans la Revue française fut souvent rappelée ; jamais elle ne fut reprise ni soutenue. Loin de là, celle des commissions de la chambre des députés qui proposa les modifications les plus considérables au projet du gouvernement et dans laquelle siégeaient MM. de Tocqueville, Isambert et Odilon Barrot, déclarait, par l’organe de son savant rapporteur, M. Dalloz, «qu’elle avait été unanime pour repousser l’idée de renvoyer aux tribunaux le contentieux de l’administration en tout ou en partie. »

A l’assemblée constituante de 1848, lors de la discussion de la loi sur le conseil d’état, le 23 janvier 1849, un amendement qui tendait à soumettre le contentieux administratif aux tribunaux civils fut à peine appuyé par quelques voix.

A l’assemblée législative, M. de Larcy, dans son rapport sur le projet de loi relatif aux conseils de préfecture, s’expliquait ainsi au sujet du pouvoir de juridiction que la commission dont il était l’organe entendait maintenir à ces conseils, tout en proposant certaines modifications à leur constitution actuelle : «Quel est le sens de ce respect pour l’institution, uni au désir de la voir réformée et perfectionnée? C’est que le principe d’une juridiction spéciale pour les questions administratives est universellement accepté. On sent le besoin de voir ces matières délicates, qui touchent par tant de points aux intérêts généraux, réglées par des hommes en contact habituel avec l’administration, pénétrés de son esprit et se dégageant, dans une certaine mesure, du point de vue de l’intérêt individuel et privé qui préside plus particulièrement aux décisions judiciaires. Mais en admettant sa spécialité, on voudrait aussi que cette juridiction présentât les garanties de suffisante indépendance qui sont inhérentes à toute justice. »

Les réformes qu’on avait projeté en 1851 d’introduire dans la constitution des conseils de préfecture ont trop tardé à se réaliser. C’est en 1862 seulement qu’un décret, confirmé bientôt par la loi du 21 juin 1865, a organisé des greffes spéciaux et la publicité des séances, imitant ainsi à trente ans de distance les mesures consacrées par les ordonnances de 1831 pour le conseil d’état, et l’on n’a pas encore réalisé toutes les améliorations désirables. Aussi les préventions contre les conseils de préfecture étaient très vives dans l’assemblée nationale de 1871. La commission de décentralisation avait préparé un projet de loi qui tendait à supprimer ces conseils. Ce projet, expliqué par un habile rapport de M. Amédée Lefèvre-Pontalis,