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cette trilogie. Ces recherches nouvelles de M. Popof ont attiré l’attention toujours en éveil, la curiosité toujours jeune du grand historien et du grand homme d’état que nous avons perdu. On assure que M. Thiers, il y a deux ans, s’était fait traduire les passages importans des articles de M. Popof afin de les comparer à ses propres récits. Ces travaux sont en effet le complément naturel et le commentaire indispensable de l’Histoire du Consulat et de l’Empire. J’essaierai de faire connaître les résultats acquis, les points de vue nouveaux qui se rencontrent dans l’œuvre de M. Popof et dénoter les solutions qu’il a données aux questions controversées. Les Relations de la Russie avec les états européens sont établies, pour les chapitres consacrés à la France, sur les rapports du prince Kourakine, ambassadeur de Russie auprès de Napoléon, et ceux de l’envoyé extraordinaire Tchernichef. On en trouvera le texte français dans le vingt et unième volume de la Société impériale d’Histoire de Russie. M. Popof était connu en outre par un Voyage au Monténégro publié en 1847, par de nombreux travaux sur le droit russe et le droit des peuples slaves, par des études sur les rapports de la Russie avec la cour de Rome. La mort, en le frappant dans sa pleine activité, le 16-28 novembre dernier, a interrompu bien d’autres œuvres commencées. Je m’occuperai surtout ici de Moscou en 1812 et des Français à Moscou.


I.

Sur les événemens qui amenèrent la destruction de la capitale russe, quel document pourrait être plus précieux que les mémoires de son gouverneur? Moscou en 1812 raconté par Rostoptchine lui-même, quelle bonne fortune pour l’historien! En 1872, M. le comte Anatole de Ségur, petit-fils de Rostoptchine, auteur d’une Vie de ce dernier, écrivait au sujet de ces mémoires : « Séquestrés avec tous ses papiers au moment de sa mort, par ordre de l’empereur Nicolas, ils sont renfermés dans les archives de la chancellerie impériale d’où ils ne sortiront peut-être jamais; heureusement une des filles du comte Rostoptchine avait pris copie de quelques passages de ce précieux écrit. » Ces passages ont été publiés en 1864 par un fils de l’ancien gouverneur de Moscou[1], le comte Alexis Rostoptchine, dans un livre intitulé Matériaux, en grande partie inédits, pour la biographie future du comte Rostoptchine, et qui est d’une haute rareté bibliographique, car il n’a été tiré qu’à douze exemplaires. Ces mêmes fragmens, au nombre de trois, ont été reproduits par le comte Anatole de Ségur dans la biographie de son

  1. Traduits en russe dans le Dix-neuvième Siècle de M. Pierre Barténief.