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elle ne s’expliquait pas, un droit de recours ouvert au ministre de la justice à l’égard des actes administratifs contraires à la loi; mais ce système ne fut pas mis en pratique. Le conseil d’état de cette époque ne paraît pas avoir eu de scrupule à appliquer la loi des 7-14 octobre 1790, bien qu’il l’ait fait avec une certaine réserve.

C’est surtout à partir de 1852 que les recours pour excès de pouvoirs prirent un développement considérable. L’origine de ce développement se trouve dans le décret du 25 mars 1852, dit de décentralisation administrative. Ce décret attribuait aux préfets le droit de statuer sur un grand nombre d’affaires ressortissant à divers ministères, et qui jusque-là étaient résolues soit par des décrets rendus après avis du conseil d’état, soit par des décisions ministérielles.

Le mot de décentralisation appliqué à cette mesure était-il exact? Nous faisons en passant nos réserves à cet égard. Donner à un agent du pouvoir central dans les fractions du territoire les attributions du chef de l’état ou de ses ministres, qui conservent d’ailleurs le droit de le contrôler, ce n’est pas décentraliser, c’est supprimer la concentration des affaires dans la capitale. Il n’y a, ce nous semble, de décentralisation que dans l’attribution de pouvoirs propres aux autorités électives chargées d’administrer les intérêts locaux. Quoi qu’il en soit, ce décret, dit de décentralisation, et qu’on pourrait appeler de déconcentration, pouvait faire espérer aux intéressés une solution plus prompte de leurs affaires, mais il leur enlevait la garantie d’un examen fait par les bureaux des ministères, plus éclairés que ceux des préfectures, et par les comités du conseil d’état. La statistique des travaux du conseil, publiée en 1862, constate que, pendant la période de neuf années comprise entre 1852 et 1861, le nombre moyen des affaires soumises au conseil d’état, en ce qui concerne les départemens, les communes et les établissemens de bienfaisance, était de 2,624, tandis que de 1840 à 1844, il avait été de 5,936. On voit l’importance de ce déplacement d’attributions.

Les communes ou les particuliers qui se trouvaient lésés par les décisions des préfets cherchaient à retrouver dans un recours pour excès de pouvoirs les avantages du contrôle que le conseil d’état exerçait antérieurement sur les décisions administratives. De nombreuses difficultés s’élevèrent au sujet de l’amodiation ou du partage des biens communaux, au sujet des droits privatifs appartenant aux sections de communes, si multipliées dans les départemens montagneux du centre de la France. D’autres réclamations non moins nombreuses s’élevèrent au sujet des arrêtés préfectoraux qui réglaient le curage des cours d’eau non navigables, ni flottables, et le régime des usines établies sur ces cours d’eau.