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nous combattrons et nous proclamerons au besoin la constitution allemande de 1849. »

C’est donc de l’attitude du cabinet de Florence qu’allait désormais dépendre le cours des événemens.

Abandonnée par l’Italie, il ne restait plus à la Prusse, malgré l’énergie audacieuse de son premier ministre, qu’à invoquer l’assistance des puissances neutres et à chercher un refuge dans un congrès, et c’est pour se soustraire à cette douloureuse éventualité que M. de Bismarck, avec une entière bonne foi, nous suppliait en quelque sorte de nous entendre avec lui. « Le président du conseil, écrivait le 8 avril 1866 M. Benedetti, me rappelant les ouvertures que M. de Goltz a été chargé de vous faire, a ajouté que le moment était venu pour lui de les renouveler et pour nous de nous expliquer sur les garanties que nous espérions devoir stipuler. Je lui ai répondu que j’étais demeuré étranger à ces pourparlers. »

M. de Bismarck conférait alors journellement avec notre ambassadeur, et, s’il en faut juger par la nature de ses communications, aucune arrière-pensée ne se mêlait à ses épanchemens.

L’occasion était bonne, et malheureusement elle ne devait plus se représenter, pour obtenir de la Prusse, perplexe et découragée, sinon un traité dont on ne se souciait pas à Paris, du moins des engagemens éventuels, sous forme de note, proportionnés aux résultats qu’amènerait la guerre. M. de Bismarck exprimait le regret de ne pouvoir se rendre à Paris ; il aurait voulu, inquiet de nos intentions, conférer avec l’empereur et son ministre et les pressentir avant l’ouverture de la guerre, pour le cas surtout où la Prusse, comme il en manifestait la confiance, remporterait de grands succès. Il s’expliquait librement sur le chapitre des compensations, tout en ne cachant pas que le roi se refuserait à céder du territoire prussien, et que lui-même préférerait disparaître de la scène politique plutôt que de consentir à la revendication de Cologne, de Bonn ou même de Mayence. Mais notre ambassadeur, n’ayant pas d’instructions, ne pouvait accepter la discussion sur ces éventualités, ni même laisser supposer à M. de Bismarck que ses combinaisons eussent quelques chances d’être examinées. Le gouvernement de l’empereur était dûment renseigné; il connaissait les concessions qu’on pourrait nous offrir et celles que nous devions nous abstenir de réclamer. Les dépêches de M. Benedetti ne permettent aucun doute à cet égard. Il y a dans ce refus d’entrer en discussion avec le cabinet de Berlin, qui nous offrait spontanément de débattre et de régler le prix de notre neutralité, une énigme qu’il n’est pas aisé de résoudre, surtout après nos revendications au lendemain de la guerre. Il était difficile, on le reconnaîtra, de poursuivre deux alliances