confidentielles pour obtenir la cession amiable de la Vénitie.
Les cours allemandes, et particulièrement celle de Dresde, n’avaient pas attendu l’apparition de l’envoyé italien pour s’alarmer. Le ministre de Saxe à Berlin m’a raconté que, dès les premiers jours de mars, il n’avait plus de doutes sur les intentions agressives du cabinet de Berlin; M. de Bismarck n’avait pas craint, dans les épanchemens d’un dîner, de confirmer de la façon la plus singulière et la plus audacieuse les informations de plus en plus inquiétantes qui lui arrivaient de toutes parts. « Il est donc vrai, lui avait demandé anxieusement Mme la comtesse de Hohenthal, que vous voulez nous faire la guerre, expulser l’Autriche de l’Allemagne, et vous emparer de la Saxe? — N’en doutez pas, chère comtesse, lui avait répondu M. de Bismarck, je n’ai jamais eu d’autre pensée et je n’ai pas cessé de m’y préparer depuis que je suis entré au ministère. Le moment ne tardera pas, nos canons sont tous fondus aujourd’hui, et bientôt vous aurez l’occasion de vous assurer si notre artillerie transformée n’est pas de beaucoup supérieure à l’artillerie autrichienne. — Vous me faites frémir en vérité, et, puisque vous êtes en veine de franchise, donnez-moi un conseil d’ami ; dites-moi ce que j’aurais de mieux à faire si vos sinistres prévisions venaient à se réaliser. J’ai deux propriétés. Où devrais-je chercher un refuge? est-ce dans mon domaine de Bohême ou dans le château que je possède près de Leipzig? — Si vous voulez m’en croire, répliqua M. de Bismarck, n’allez pas en Bohême, vous y seriez exposée à de terribles aventures; c’est là, si je ne me trompe, c’est même dans les environs de votre domaine, que nous battrons les Autrichiens. Allez tranquillement en Saxe, rien ne se passera du côté de Leipzig, vous y serez à l’abri des événemens, et vous n’aurez pas l’ennui des garnisaires, car votre château de Knautheim n’est pas sur une route d’étapes. »
C’est cette confidence, sans doute calculée, à en juger par la gravité de ses conséquences, qui donna sérieusement l’éveil au gouvernement saxon. Elle jetait en effet une vive lumière sur les renseignemens militaires recueillis par le comte Hohenthal, et elle ne laissait plus guère de doutes sur les intentions secrètes de la Prusse. Les chancelleries européennes s’en émurent. M. de Bismarck fut interpellé. Un démenti n’eût pas été courtois ; il se tira d’affaire en donnant à l’incident un tour plaisant.
M. de Beust n’en crut pas moins devoir prendre quelques mesures préventives, et la cour de Vienne, sur ses instances, ordonna de son côté quelques mouvemens de troupes. C’est ce qu’on attendait à Berlin. Le prologue de la guerre était trouvé; on allait pouvoir, avec une presse savamment organisée, ouvrir la campagne sur les armemens de façon à rejeter la responsabilité de l’initiative tout