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de donner le commentaire d’un texte, il s’agissait à peu près de faire sortir ce texte du néant, et l’on y a réussi.

Rien de plus net et de plus précis que l’article 9 de la loi du 24 mai 1872 : « Le conseil d’état statue souverainement sur les recours en matière contentieuse administrative et sur les demandes d’annulation pour excès de pouvoirs formées contre les actes des diverses autorités administratives. » La dernière partie de ce texte est toute nouvelle; les lois antérieures sur l’organisation et les attributions du conseil ne parlaient que du contentieux administratif. Et cependant la loi de 1872, nous l’avons dit, n’a fait que consacrer une très longue jurisprudence.

L’autorité du conseil d’état en matière de contentieux administratif ne suffisait pas en effet pour protéger les citoyens contre certaines illégalités commises par les autorités administratives. On n’a compris sous cette dénomination que les affaires dans lesquelles le conseil d’état peut réformer les décisions des autorités qui lui sont subordonnées, et substituer une décision à celle qu’il annule ou prescrire que l’acte attaqué soit modifié dans le sens qu’il détermine. Il en est ainsi quand il réforme un décret qui liquidait la pension d’un fonctionnaire, ou bien la décision d’un ministre qui réglait le décompte d’un fournisseur, ou bien encore un arrêté de conseil de préfecture qui fixe l’indemnité due à un particulier pour le dommage que lui a causé l’exécution d’un travail public. Il y a pourtant un grand nombre d’actes des agens de l’administration, des permissions, des règlemens de police qui, par leur nature, ne comportent pas un contrôle analogue à celui d’un juge d’appel. On ne pourrait pas admettre qu’une juridiction quelconque remplaçât ces actes par un acte différent; mais on comprend qu’une juridiction peut et doit être appelée à les annuler, comme fait la cour de cassation à l’égard des décisions judiciaires, quand ils contreviennent à la loi, surtout quand ils sont entachés d’incompétence ou d’excès de pouvoirs. On comprend aussi la nécessité d’un recours semblable à l’égard des juridictions administratives (le nombre en est d’ailleurs très restreint) qui statuent en dernier ressort. Comment le conseil d’état a-t-il pu donner satisfaction à ce besoin? comment la jurisprudence s’est-elle établie, quelle est la base sur laquelle elle s’était fondée en attendant que la loi de 1872 vînt la consacrer?

Pour le comprendre, il faut se rappeler ce qu’a été, depuis l’an VIII, la constitution de la juridiction administrative suprême. Nous avons exposé que depuis l’an viii jusqu’à 1872, sauf pendant un intervalle de trois ans, de 1849 à 1852, la législation n’a appelé le conseil à donner qu’un avis en matière contentieuse comme en