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doit pas durer, à toutes les bonnes impressions, les préceptes qui dirigent, les sentimens qui élèvent et qui fortifient? Tout leur acquis à cet égard leur vient de témoignages multipliés de satisfaction qui, sous la forme d’ordres du jour complimenteurs, répétés et commentés par la presse, leur sont lus après les grandes revues, après les petites guerres, après certaines solennités officielles, après toutes les circonstances faisant événement où les troupes rassemblées ont eu un rôle. On les félicite, on les loue, on leur dit qu’elles sont l’espoir et l’honneur du pays, mais on ne leur a jamais dit ce qu’il faut faire et comment il faut faire pour mériter et pour réaliser cette grande destinée; et enfin il arrive que dans l’armée beaucoup de naïfs et tous les vaniteux se laissent persuader qu’ils sont à la hauteur de leur mission par une sorte de grâce d’état qui les dispense du travail, de l’effort, et des sacrifices qu’ils exigent.

Je montre, par un exemple, que nous n’avons pas encore réformé, sous ce rapport, les entraînemens auxquels nous avons dû une part, la plus grande, je pense, de nos malheurs ; quand les réservistes, en exécution de la loi, quittant momentanément (pour un mois) leurs familles et leurs travaux, se sont acheminés vers leurs corps respectifs, tous les organes de la publicité ont applaudi à leur dévoûment el à leur entrain. Pendant les manœuvres d’automne, auxquelles la plupart ont été associés, leur excellent esprit et leurs aptitudes ont été loués. Enfin, comme ils rentraient dans leurs foyers, l’autorité militaire, dans des ordres du jour brillans et développés, leur a dit, comme l’empereur Napoléon à ses soldats après la campagne d’Austerlitz : « Réservistes, je suis content de vous ! »

Assurément il était utile, il était nécessaire d’encourager le zèle de ces braves gens qui, généralement, ne le marchandaient pas, et de faire participer le pays à cet encouragement. C’est avec raison et dans un juste sentiment de la situation que le ministre de la guerre, par un ordre rendu public, recommandait aux chefs militaires d’accueillir et de traiter avec bienveillance ces soldats du moment. C’aurait été avec raison que dans chaque régiment les réservistes signalés pour leur bon vouloir eussent été récompensés par ces modestes distinctions nominatives dont l’effet est d’autant plus sûr que, ne dépassant pas le cercle de la publicité régimentaire, elles appartiennent expressément au corps et l’honorent à ses propres yeux; avec raison encore que le ministre, l’expérience achevée et jugée dans ses résultats, les eût fait connaître au pays dans un rapport grave et sincère, en l’associant aux observations favorables et défavorables, c’est-à-dire aux espérances comme aux déceptions qu’elle aurait fait naître.

Mais multiplier les témoignages de satisfaction, les exagérer dans