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soldat avec les soins de propreté et d’entretien qui le conservent. Puis on leur enseignait le mécanisme des divers genres de marche cadencée et de tous les exercices élémentaires qui se font sans armes. Enfin on les armait, et, le maniement des armes appris, ils recommençaient avec elles ces exercices. Entre temps, indépendamment de ces travaux sur le terrain, ils recevaient, à l’aide d’un enseignement qu’on appelle « la théorie dans les chambres, » la leçon des devoirs de respect bornée aux formes extérieures des divers genres d’honneurs à rendre aux chefs militaires; la leçon du montage, du démontage des armes et de tous les procédés de mise en état qu’elles exigent; la leçon des devoirs techniques qui incombent au soldat dans l’exécution des divers services, etc. De l’instruction individuelle, on passait à l’instruction collective et on arrivait enfin à l’école de peloton, qui est le résumé de tous ces efforts successifs que complétaient les exercices de tir, de gymnastique, etc., et, pour les jeunes soldats qui n’y étaient pas absolument réfractaires, des leçons de lecture, d’écriture, etc., à l’école régimentaire. Enfin, à un moment donné, l’officier supérieur chargé de la direction de l’instruction des recrues annonçait au chef de corps qu’elle était terminée et que,-— formule sacramentelle, — les jeunes soldats étaient en état de passer au bataillon. Ils y passaient en effet, et c’était comme un brevet de capacité militaire technique qui leur était délivré. A dater de ce jour, ils étaient réputés soldats, à l’expérience près, expérience que des années d’évolutions monotones dans le cercle invariable des pratiques militaires de la caserne et du champ de manœuvres devaient achever. »

Dans ce mode d’instruction professionnelle, que nos malheurs ne nous ont appris à modifier qu’au profit d’une assiduité plus effective, de travaux mieux suivis et d’une plus rigoureuse observation des règles, où est la part de l’éducation? Quels professeurs sont chargés, dès le lendemain de l’arrivée au corps de ces jeunes soldats, de leur montrer qu’ils ne sont pas « les victimes du sort, » comme ils le croient tous, mais les serviteurs et les défenseurs désignés par la loi d’une collection d’intérêts supérieurs et sacrés qui sont la patrie, dont tous ne savent même pas le nom ? A quel moment de leur long, trop long séjour sous le drapeau leur a-t-on appris l’esprit de sacrifice, le dévoûment gratuit, l’objet et les mérites de la discipline, les devoirs et les efforts de la paix, les devoirs et les épreuves de la guerre, enfin la substance de ce livre de principes que j’ai appelé « le catéchisme militaire? » Qui a pensé à faire pénétrer dans ces jeunes esprits, ouverts, pour un temps qui ne