influence, s’opérait entre Berlin et Florence. Il trouvait que ces pourparlers, dont le bruit se répandait en Europe, étaient compromettans pour notre politique, qu’ils inspiraient des défiances générales et nous aliénaient le bon vouloir de l’Angleterre et de la Russie. — « Eh quoi ! lui dit l’empereur à son retour de Biarritz, vous vous alarmez en voyant les rivalités s’accentuer en Allemagne, et votre esprit, si sagace, se refuse à en saisir la portée ! Croyez-moi, la guerre entre l’Autriche et la Prusse est une de ces éventualités inespérées qui semblaient ne devoir se produire jamais, et ce n’est pas à nous de contrarier des velléités belliqueuses qui réservent à notre politique plus d’un avantage. »
Toute la politique de l’empereur, on le voit, était basée alors sur les complications allemandes : elles devaient absoudre l’expédition du Mexique, conjurer les difficultés intérieures et couronner l’œuvre de 1859. La délivrance de Venise avait pris chez lui le caractère d’une idée fixe, il la voulait à tout prix. Il croyait que le seul moyen d’asseoir l’Italie, de la délivrer des mains révolutionnaires et en même temps de sauver la papauté, c’était d’obtenir l’abandon de Venise : Venise, à ses yeux, devait sauver Rome. Il avait tenté maintes fois des négociations pour décider l’Autriche à une cession à l’amiable, soit par la voie du rachat, soit par d’autres combinaisons. Mais, ses efforts n’ayant rencontré que des refus obstinés et parfois déplaisans, et la France ne se souciant pas de recommencer la guerre pour un but aussi contestable au point de vue de nos intérêts, l’alliance de la Prusse et de l’Italie s’imposait en quelque sorte à notre politique. Elle pouvait avoir des inconvéniens, ne fût-ce que celui d’établir une confraternité d’armes entre deux puissances militaires et de laisser prendre un pli fâcheux au cabinet de Florence en lui permettant de se soustraire même momentanément à notre influence exclusive; mais on se flattait que l’Italie n’en resterait pas moins un instrument docile entre nos mains. On croyait d’ailleurs, tant on redoutait les succès trop faciles de l’Autriche, que ce ne serait pas trop de l’obliger à diviser ses forces. Des victoires décisives pouvaient assurer sa prépondérance de l’Adriatique à la Baltique, et menacer même notre œuvre inachevée en Italie.
L’empereur s’inclinait devant l’opinion de ses généraux les plus expérimentés, qui, frappés de la valeureuse résistance qu’ils avaient rencontrée dans la campagne improvisée de 1859, proclamaient la supériorité incontestable des armées autrichiennes sur l’armée prussienne, laquelle, disaient-ils, manquait de consistance[1]. Il
- ↑ Le général Devaux, un de nos officiers supérieurs les plus renommés pour la sûreté de ses appréciations, était revenu d’une mission en Allemagne convaincu que l’armée prussienne serait battue haut la main par l’armée autrichienne.