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M. de Goltz était venu pressentir notre attitude en cas d’une rupture avec l’Autriche et nous proposer en quelque sorte un traité de neutralité. Au lieu de dissimuler sa déconvenue, le gouvernement français donna libre cours à sa mauvaise humeur. — « Qu’ont voulu les deux puissances allemandes? disait M. Drouyn de Lhuys dans sa circulaire du 29 août 1865. Ont-elles entendu consacrer le droit des anciens traités? Assurément non ! Les traités de Vienne réglant les conditions de la monarchie danoise sont méconnus, le traité de Londres est déchiré, les intérêts de l’Allemagne et de son prétendant sont sacrifiés, les duchés, séparés au lieu d’être unis, passent sous deux dominations différentes, et la ligne de séparation, ne tenant aucun compte de la distinction des races, laisse confondus les Danois avec les Allemands, sans se préoccuper du vœu des populations. Sur quels principes repose donc la combinaison austro-prussienne? Nous regrettons de n’y trouver d’autre fondement que la force, d’autre justification que la convenance réciproque des deux copartageans. C’est là une pratique dont l’Europe actuelle était déshabituée, et il faut en chercher les précédons aux âges les plus funestes de l’histoire. »

Caractériser en ces termes la spoliation du Danemark, n’était-ce pas faire amende honorable et reconnaître, bien que tardivement, ses erreurs et ses inconséquences? On put croire un instant, en face de cette éloquente manifestation, que la France, désenchantée, ferait un retour énergique vers les saines traditions de sa politique; l’illusion fut de courte durée. Il devait suffire au cabinet de Berlin de protester contre l’interprétation donnée à ses arrangemens avec l’Autriche pour dissiper le nuage et calmer nos ressentimens.

Le cabinet de Berlin avait été touché au vif par la circulaire du 29 août. M. de Bismarck en était déconcerté, elle portait atteinte à son crédit et renversait ses combinaisons. lien fît ses plaintes, en homme sincèrement affligé d’une méprise inconcevable, qu’il avait, disait-il, cherché à prévenir. Il s’en prenait à son ambassadeur, qu’il tenait pour un compétiteur équivoque plutôt que pour un auxiliaire dévoué ; il lui reprochait de s’être renfermé dans un silence coupable alors qu’il lui prescrivait d’atténuer la portée et la signification des engagemens ratifiés à Salzbourg. M. de Bismarck s’expliquait d’autant moins notre surprise que, dans deux lettres datées de Gastein, il avait chargé M. de Goltz de nous assurer qu’il saurait tenir compte du principe des nationalités et qu’il n’attendait qu’une circonstance favorable pour restituer les districts dont les populations étaient d’origine danoise. D’après lui, la convention de Gastein n’était qu’une revanche d’Olmutz, et il allait jusqu’à démontrer qu’indirectement elle était un succès pour le gouvernement de