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Dans ses lettres de Pétersbourg, M. de Bismarck se défendait avec amertume contre les journaux qui lui reprochaient de trafiquer des provinces rhénanes, et il offrait mille frédérics d’or à celui qui pourrait en administrer la preuve. « Si je me suis vendu à un diable, disait-il, ce diable est teuton et non pas gaulois. » Et cependant bientôt, sous le coup des événemens et des nécessités de sa politique, nous le verrons entrer en pourparlers sur des rectifications de frontières et ne pas craindre de se déclarer, dans ses épanchemens avec le général Govone, plus Prussien qu’Allemand.

Depuis, en face de révélations compromettantes, il a cherché à concilier ses principes avec ses actes, et, afin de ne laisser planer aucun doute sur la pureté de ses sentimens germaniques, il s’est efforcé en face du parlement de se faire plus machiavélique qu’il ne l’avait été en réalité. Il a appelé négociations « dilatoires » les moyens dont il se serait servi pour nous bercer d’illusions et exciter nos appétitions territoriales. C’était le patriote allemand, frais sorti des événemens, qui tâchait d’atténuer aux yeux de l’Allemagne les considérations plus étroites dont s’inspirait le diplomate prussien.

En dehors de ces publications de haute provenance, il s’est produit toute une littérature, soit en France, soit à l’étranger, d’écrits et de brochures qui pour être utilement consultés exigent l’examen le plus sévère. L’empereur, qui aurait pu récriminer contre ceux qui au lendemain de ses infortunes se sont réfugiés derrière sa responsabilité, seul ne s’est pas défendu. Il s’est borné, dans une brochure qui a paru sous le nom du marquis de Grécourt, à émettre, dans un esprit élevé, quelques appréciations générales sur sa politique, sans un mot de blâme pour ceux qui l’ont déçu, mal conseillé ou mal servi.

Les lettres et dépêches qui ont été de la sorte données en pâture au public, il est superflu de le dire, n’ont qu’une valeur relative. Triées avec discernement, elles ne livrent qu’une partie de la vérité; elles ont besoin d’être contrôlées et commentées, car encore faut-il savoir, pour les accepter comme preuves certaines, dans quelles circonstances elles ont été écrites et quels mobiles les ont inspirées. Il en est autrement des papiers trouvés aux Tuileries ; ceux-là nous donnent, bien qu’à bâtons rompus, la vérité prise sur le fait, car il est permis de croire que ces épaves abandonnées dans les tiroirs de l’empereur n’ont été ni revues ni corrigées.

Ce qui a manqué jusqu’à présent à ces publications, écloses de tous côtés sous des inspirations si opposées, c’est d’être coordonnées et vérifiées. Il peut donc être aussi intéressant qu’utile de les apprécier dans leur ensemble, à un point de vue essentiellement