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les poissons secs ou salés, les huiles, le rotin, qui montent ensemble pour 1874 à 44 millions, enfin 21 millions sont représentés par divers articles.

En tête des exportations, il faut placer le thé, dont la Chine vend annuellement à l’Europe pour 800 millions de francs, et la soie grège ou en cocons, qui atteint 225 millions. Viennent ensuite : la soie en pièces, 17 millions, et le sucre, 14 millions ; 14 autres millions sont représentés par la cannelle, les nattes, la porcelaine, le papier, et 26 par des articles divers. En résumé, le commerce chinois repose principalement sur l’échange de l’opium et des cotonnades de l’Inde et de Manchester contre le thé et la soie de Chine.

La clientèle chinoise constitue pour l’industrie anglaise une branche toute spéciale. Inutile, en effet, de chercher à faire accepter aux Fils du ciel une autre forme de vêtement ou un autre métrage que ceux auxquels ils sont habitués de temps immémorial. Il a donc fallu installer à Manchester des métiers destinés à fabriquer les pièces étroites dans lesquelles le tailleur chinois n’a plus que quelques coups de ciseaux à donner pour découper le vêtement du coulie ou du petit marchand. Il en est de même des lainages. Il est une sorte de drap léger teint en gros bleu qui vient d’Angleterre et dont on ne trouverait pas à acheter une aune ailleurs que dans les treaty-ports.

Il s’en faut bien que ces produits ne rencontrent aucune concurrence de la part de l’industrie indigène. Sans parler des tissus si répandus en Europe sous le nom de Nankin, les tisserands chinois fabriquent aussi ces cotonnades bleues qui servent à l’habillement de la classe ouvrière. Cruellement éprouvée par l’insurrection des Taïpings, qui avait arrêté tous les métiers, en forçant les malheureux villageois à se réfugier dans les villes murées et les consommateurs à se pourvoir à l’étranger, cette industrie a regagné peu à peu le terrain perdu, et fait d’autant plus de progrès que les manufacturiers anglais, lancés dans une concurrence outrée, ont expédié des produits médiocres qui ont été rejetés. Le consul général d’Angleterre à Pékin, dans son rapport pour 1876, signale ce fait à l’attention de ses compatriotes en leur rappelant que les Chinois, s’ils se décident lentement à retirer leur clientèle, se déterminent rarement à la rendre une fois reprise. Quant à la laine, l’industrie européenne n’a pas à disputer le terrain à des produits similaires. Le Thibet fournit, il est vrai, d’excellente laine de chèvre, mais on n’en fait que des tapis de haut prix, du même mérite que ceux de Perse ; la Mongolie nourrit de grands troupeaux de moutons, mais leur laine est de qualité inférieure. Quant aux plaines voisines du littoral, elles pourraient entretenir de riches troupeaux, mais elles sont consacrées sans partage à des cultures plus intensives, plus rémunératrices,