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d’épier l’occasion de la détruire, d’entrer dans la république pour gouverner contre la république elle-même, avec des majorités incohérentes exclusivement composées d’ennemis de la république. Ce qui devenait plus dangereux encore, c’était de perpétuer ces choquantes contradictions, ce malheureux esprit de la dernière assemblée dans le sénat transformé en une sorte de place de sûreté contre le régime nouveau. Avec tout cela, on a bien pu soumettre les institutions nouvelles à de laborieuses et rudes épreuves dont d’autres gouvernemens n’auraient peut-être pas triomphé ; on n’est certainement pas arrivé jusqu’ici à rendre le retour d’une monarchie plus facile, ni à relever aux yeux du monde une politique prétendue conservatrice qui ne s’est manifestée que par un système de regrets stériles, de velléités agitatrices et de médiocres intempérances de réaction. On est arrivé tout juste à cette crise du 16 mai, qui n’a été que le suprême assaut livré à la république par la coalition de toutes les hostilités impatientes et qui, en restant une périlleuse aventure, est peut-être encore plus une humiliante démonstration d’impuissance.

Non, le parti conservateur qui aurait pu se former utilement sous d’autres inspirations et dans d’autres conditions, qui aurait pu avoir une action bienfaisante, ce parti n’existe pas. Il n’a pas réussi à se dégager, il aurait existé peut-être si les constitutionnels avaient mis plus de résolution et de suite dans les interventions heureuses par lesquelles ils se sont signalés quelquefois. Au fond, pour le moment, ceux qui s’appellent des conservateurs ne sont qu’une coalition persistante et confuse de vieux partis asservis à leurs passions, à leurs haines ou à leurs rancunes ; ce ne sont pas des conservateurs, ce sont des légitimistes, des bonapartistes, les uns sacrifiant avec une candeur stérile le présent au passé, et attendant, selon le mot employé un jour par M. de Falloux, que le fleuve remonte vers sa source, — les autres s’épuisant à tout décrier, exploitant toutes les inquiétudes sans scrupule, poussant à tous les désordres et à toutes les crises dans l’espoir de relever le trône tombé à Sedan. On a beau réunir ces frères ennemis dans un comité et leur donner pour programme commun un manifeste décoré des couleurs conservatrices, adressé une fois de plus aux « modérés de tous les partis, » — légitimistes et bonapartistes restent ce qu’ils sont. Ils ont dévoilé depuis longtemps leurs passions, leurs espérances, leurs tactiques ; ils ont été dans ces dernières années les auxiliaires ou les complices de toutes les tentatives qui n’ont pas laissé quelquefois de mettre en péril la paix publique, et ils n’ont qu’un regret, ils l’avouent naïvement, c’est que ces tentatives aient été mal conduites, ou qu’elles n’aient pas été poussées jusqu’au bout ; ils n’ont qu’un désir, c’est qu’on recommence. Ils ne cachent pas que le plus clair de leurs opinions conservatrices et dans tous les cas le seul lien qui les unit,