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Si les États-Unis veulent sauver l’avenir de l’argent » il n’y a point d’autre issue : il faut absolument qu’ils adoptent le rapport entre les deux métaux de 1 à 15 1/2. Comme l’indiquait la minorité de la silver-commission, on peut y arriver de deux manières, où eh diminuant le dollar argent jusqu’à 399.9 grains, ou en portant le dollar or de 25.8 à 26.6 grains. MM. Jones, Bogy et Willard se prononçaient pour le premier moyen, en ajoutant qu’il faudrait tenir compte aux créanciers, par une législation appropriée, de ce que la réduction du dollar primitif, base des contrats avant 1873, leur ferait perdre. Aujourd’hui que le dollar de 412 1/2 grains a été adopté par le Bland-bill, il paraît difficile de revenir sur cette mesure. Il ne resterait donc qu’à augmenter la contenance du dollar d’or. Au fond, le sacrifice serait le même, car le supplément qu’il aurait fallu accorder aux créanciers qu’on aurait payés avec le dollar argent, de 399.9 grains, aurait été égal à la somme qu’il faudrait consacrer à augmenter le dollar d’or. C’est aux Américains à voir lequel des deux systèmes offre pour eux le moins d’inconvéniens. Ce qui est hors de doute, c’est que l’adoption par eux du rapport de 1 à 15 1/2 est un intérêt de premier ordre et pour l’Amérique et pour l’Europe, si on veut prévenir les incalculables perturbations qui résulteraient de la démonétisation universelle de l’argent. Comme l’ont démontré la minorité de la silver-commission et le docteur Linderman, l’adoption du rapport de 1 à 15 1/2 ne serait pas seulement l’offre d’un accord avec les pays de monnaie bimétallique, ce serait, par le fait, l’établissement de l’accord même.

Les pays à monnaie bimétallique sont la France, l’Italie, la Belgique, la Suisse, la Hollande, la Roumanie, la Grèce, l’Espagne, le Venezuela, le Chili, le Paraguay, le Japon et les États-Unis. Ils comptent une population de 183 millions d’habitans. C’est une surface largement suffisante pour donner au rapport fixé dos deux métaux une très grande stabilité et pour absorber sans trouble les accroissemens momentanés de la production de l’un ou de l’autre. Les États-Unis ont intérêt à se donner une « forte base métallique » comme la France afin d’échapper à ces crises périodiques du crédit et à ces stagnations du commerce qui lui coûtent chaque fois des milliards. Si elle avait seulement autant de numéraire par tête que l’Angleterre, il lui en faudrait pour 4 milliards de francs. La France unie à l’Union américaine avec ses 46 millions d’habitans d’aujourd’hui et ses 70 millions d’habitans vers la fin du siècle peuvent maintenir le rapport de 1 à 15 1/2 sans craindre qu’un excédant de production, soit de l’or, soit de l’argent, puisse venir le troubler.