Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 28.djvu/950

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sert de base à ces échanges. Enfin on faciliterait singulièrement la reprise des paiemens en espèces aux pays qui subissent encore le régime du cours forcé.

Malgré ces avantages incontestables/un accord entre ces différens pays sera difficile à établir, parce que la question n’est pas assez éclaircie. L’Allemagne aurait grand intérêt à conserver l’argent, auquel ses populations sont habituées, au lieu de s’acharner à introduire l’or, qu’elle gardera difficilement, parce que le change lui est souvent contraire. Elle a déjà le rapport de 1 à 15 1/2 : il lui suffirait de transformer des thalers en pièces de 2 et de 4 marcs avec même contenance de métal fin, et à l’instant la crise monétaire qu’elle traverse serait terminée. Le fera-t-elle ? C’est peu probable. L’Angleterre, à cause de l’Inde, a plus d’intérêt encore que l’Allemagne à relever le cours de l’argent et surtout à rendre sa valeur plus stable. Rien que pour ses traites sur l’Inde, l’état perd annuellement 75 millions de francs, et ceci n’est rien auprès de ce que perdent les particuliers qui ont une somme fixe à toucher aux Indes. Aussi presque tous ceux qui s’intéressent aux choses de la grande colonie, depuis les marchands de Liverpool[1] jusqu’au conseil des Indes, inclinent vers le bimétallisme. Le gouvernement anglais est si peu disposé à repousser l’argent pour l’Asie qu’en 1876 il l’a introduit dans l’île Maurice en remplacement de l’or. Pour entraîner l’Angleterre, M. Cernuschi propose que la France frappe une pièce de 25 francs de même valeur que la livre sterling, à la condition que l’Angleterre adopte une pièce de 4 shillings identique à la pièce de 5 francs avec valeur libératoire. Les États-Unis adopteraient les mêmes bases. La France aurait à mettre dans la nouvelle pièce pour 22 centimes de plus d’or que dans les 25 francs actuels ; mais cette perte serait compensée par le relèvement de valeur de ses 2 milliards 1/2 d’argent. En théorie, il n’y a rien à redire ; mais les états n’agissent que sous le coup de la nécessité. Ils suivent en général le principe de la moindre action. La France ne sortira pas d’un système qui pour le moment ne lui cause aucun embarras.

Comme on l’a vu, les États-Unis ont rétabli par le Bland-bill le rapport entre les deux métaux de 1 à 16. S’ils veulent arriver à un résultat, il faut qu’ils adoptent le rapport de 1 à 15 1/2 ; c’était l’opinion de la majorité de la silver-commission ; mais, comme pour faire passer le Bland-bill malgré le veto du président, il fallait réunir les deux tiers des voix, on s’est contenté de rétablir le dollar d’avant 1873, the dollar of the fathers. Les hommes les plus compétens des États-Unis se sont prononcés pour le 151/2. MM. John Jones,

  1. M. Samuel Smith, président de la chambre de commerce de Liverpool, et M. Stephen Williamson ont publié des lettres dans ce sens.