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On sait que cette conférence se réunit à la demande du président des États-Unis, obéissant à un vote du congrès. Elle a pour but « l’adoption d’un rapport commun entre l’or et l’argent en vue de rendre international l’usage de la monnaie bimétallique et d’assurer ainsi la fixité de la valeur relative des deux métaux. » On voit que c’est la traduction des idées de M. Cernuschi, qui prétend, non sans quelque apparence de raison, que, si tous les peuples civilisés établissaient le même rapport de valeur entre l’or et l’argent, tous deux resteraient forcément dans la circulation, attendu que celui qui serait relativement plus rare ne trouverait plus, comme maintenant, un marché où il peut obtenir un prix plus élevé. Comment une entente est-elle possible ? Les États-Unis ont adopté la monnaie bimétallique, mais le dollar du Bland-bill est frappé sur la base d’un rapport entre l’or et l’argent de 1 à 16, tandis que dans l’union latine ce rapport est de 1 à 15 1/2, qui était le rapport à peu près normal depuis la fin du siècle dernier. L’Angleterre, n’ayant que l’étalon d’or, n’a établi aucun rapport légal entre les deux métaux. La situation de l’Allemagne est la même en théorie ; mais en fait le rapport de 1 à 15 1/2 existe entre le marc d’or et le thaler d’argent, qui jouit encore de la puissance libératoire. Y a-t-il quelque espoir d’amener un accord entre ces puissances ?

La Société néerlandaise pour les progrès de l’industrie, dans une adresse au roi des Pays-Bas, traite cette question avec cette connaissance des problèmes financiers qui distingue les Hollandais depuis le XVIe siècle. Pour répondre au but en vue duquel la conférence se réunit, dit cette adresse, le premier point qu’elle ait à décider est celui-ci : Est-il probable, oui ou non, que, si tous les états civilisés adoptaient une monnaie bimétallique avec le rapport uniforme entre l’or et l’argent de 1 à 15 1/2, on obtiendrait une stabilité dans la valeur relative des deux métaux, sinon absolue, au moins très grande, et que ses oscillations deviendraient minimes en comparaison de celles qui ont eu lieu dans le courant de ce siècle ? La réponse à la question ainsi posée ne peut être qu’affirmative : c’est là aujourd’hui une vérité acquise à la science économique. Dans le livre de M. Michel Chevalier de la Baisse probable de l’or se trouve un chapitre intitulé : la France sert de parachute à la baisse de l’or. En effet, 6 ou 7 milliards d’or ont pénétré dans la circulation, tandis que l’argent libéré servait à l’Angleterre à payer l’Inde. L’or, trouvant un débouché, n’a guère perdu de sa valeur. Si le double étalon n’avait pas existé en France, M. Michel Chevalier le démontre à l’évidence, l’or eût considérablement baissé. M. Stanley