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sur la base des prix actuels. En effet, outre les États-Unis, trois autres grands pays, l’Italie, la Russie et l’Autriche, réduits maintenant au papier-monnaie, voudront revenir à la circulation métallique. A chacun d’eux il faudrait au moins 1 milliard. On peut donc dire qu’il faudrait 4 milliards rien que pour rétablir les. paiemens en numéraire dans les quatre pays qui depuis plusieurs années font de sérieux efforts pour y parvenir. Je ne vois pas où on les prendrait, à moins de réduire partout la quantité de monnaie et d’abaisser les prix en proportion, ce qui serait une véritable calamité. Où en serait-on, si on voulait en outre démonétiser partout l’argent ?


II

Si la production annuelle des métaux précieux paraît aujourd’hui insuffisante, c’est parce que celle de l’or diminue constamment. Il y a donc lieu de se demander s’il n’y a pas d’espoir de la voir se relever au niveau d’il y a trente ans. L’expérience de ces dernières années a montré combien il est imprudent de se faire prophète en pareille matière. En 1850, on se croyait menacé d’une inondation d’or, et on réclama avec les plus vives instances la démonétisation de ce métal. Deux petits pays, qui comme tels ont cependant le plus grand intérêt à ne pas s’isoler de leurs voisins, la Hollande et la Belgique, prirent les devans et adoptèrent l’étalon unique d’argent. De différens côtés on engagea la France et même l’Angleterre à imiter cet exemple. Macculloch annonça dès lors que bientôt ces alarmes se dissiperaient, que la faveur reviendrait à l’or, et que ce serait l’argent qui à son tour serait menacé de proscription. Ses prévisions ce réalisent maintenant. Un géologue d’une autorité reconnue, M. Edouard Suess, professeur à l’université de Vienne, vient de publier à ce sujet un volume du plus grand intérêt : l’Avenir de Vor (die Zukunft des Goldes). Il mérite surtout de fixer l’attention. parce qu’il s’appuie sur des faits soigneusement recueillis et rigoureusement discutés. Voici les conclusions auxquelles il arrive.

D’après M. Suess, il y a un rapport de cause à effet entre la rareté des métaux précieux et leur poids ou densité. Le plus lourd des métaux, l’iridium, qui pèse 22.23 fois autant que l’eau distillée, ne se rencontre qu’en quantité tout à fait minime dans les lavages de platine. Le platine, poids spécifique 21.5, ne se trouve guère que dans le district de Nijni-Tagil, et depuis 1823 il ne s’en est produit que 66,000 kilogrammes. L’or, poids spécifique 19.25, et le mercure, poids spécifique 13.59, sont plus rares que l’argent, poids spécifique 10.47. Le mercure ne se rencontre, combiné avec le soufre sous forme de cinabre, que dans très peu de localités, à Huanca Velica dans le Pérou, à Idria en Carinthie, à Almaden en Espagne, et à