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exploitations compensera la réduction de celle-ci. En tout cas, le surplus d’argent n’est pas suffisant pour combler le déficit que laisse la production de l’or, de sorte que, si on laisse à l’argent dans la circulation la place qu’il y a toujours occupée, l’emploi de ce qu’il s’en extrait dans le monde est tout trouvé. Cette quantité n’est guère aujourd’hui, d’après les meilleures autorités, que de 350 millions ; mettons qu’elle s’élève à 400 millions. L’Inde en absorbe en moyenne environ 200 millions par an, et, à en croire les témoignages recueillis par le Silver-Committee anglais, rien n’annonce que ces exportations doivent diminuer. D’après le colonel Hyde, grâce aux travaux publics exécutés dans le pays, l’emploi de l’argent comme intermédiaire des échanges remplace peu à peu le troc dans les provinces écartées, et des sommes considérables deviennent ainsi nécessaires. Elles augmentent à mesure que le commerce embrasse de nouveaux territoires. Selon M. Mackenzie, les indigènes convertissent une bonne partie de l’argent qui arrive dans leurs mains en ornemens de toute espèce. C’est là, à vrai dire, leur caisse d’épargne. Dans chaque village, il y a un artisan travaillant les métaux précieux (silversmith), et aussitôt que l’un des indigènes a quelques roupies, il l’appelle pour qu’il lui en fasse des bracelets, des colliers ou d’autres ornemens. Quoique les habitations soient pauvrement meublées, il s’y trouve plus d’objets en argent que dans celles des paysans européens de même condition. Toutes les exportations de l’Inde, celles de thé, de café, de jute, de laine, de froment, augmentent rapidement, de sorte que la balance en faveur de ce pays peuplé de 230 millions d’habitans s’est élevée d’une moyenne de 200 millions il y a vingt ans, à environ 500 millions aujourd’hui. Aussi l’exportation de métaux vers l’Inde, momentanément réduite, a dépassé depuis deux ans son ancien niveau. Durant les vingt-cinq dernières années, l’extrême Orient a absorbé les neuf dixièmes de tout l’argent produit dans le monde. Les arts et l’industrie en Europe prennent au moins 70 millions ; 10 millions pour l’Amérique est peu ; ajoutez une somme égale pour les besoins monétaires, et on voit qu’il n’y a rien de trop dans ce qui reste disponible.

Il ne faut pas oublier qu’un puissant consommateur apparaît sur le marché, les États-Unis qui, par le Bland-bill, ont repris l’argent comme agent de paiement illimité, avec une frappe obligatoire pour l’état de 2 à 4 millions de dollars par mois, soit de 110 à 220 millions de francs par an. Il y a là de quoi absorber tout le surplus produit par les mines du Nevada. On a vivement reproché le Bland-bill aux États-Unis comme un procédé déshonnête et comme une spoliation de leurs créanciers ; il importe que dans la Revue, qui se fait un devoir d’être juste envers tous, la vérité des faits soit rétablie. Les titres de rente émis de 1862 à 1870 stipulaient qu’ils