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surabondante, puisque ce métal a perdu depuis peu d’années et perd encore aujourd’hui de 10 à 15 pour 100 de sa valeur. Quand on parle de la valeur de l’argent, on la compte relativement à l’or et on dit qu’elle est au pair quand l’once d’argent standard vaut à Londres 60 1/2 pence, ce qui équivaut au rapport de 1 à 15 1/2 existant en France entre les deux métaux de par la loi. En juillet 1876, l’argent était tombé à 48, et même un jour à 46 d., ce qui représentait un avilissement de plus de 20 pour 100. Depuis lors il s’est relevé jusqu’à 58 d., et maintenant le prix varie de 54 à 56 d. Un fait est donc certain : il s’est établi dans le rapport de valeur des deux métaux, considéré comme normal, un écart considérable. Mais n’est-ce pas l’or qui a enchéri et qui fait prime ? On pourrait le soutenir, car d’une part la production de l’or a beaucoup diminué, et plusieurs pays s’en disputent la possession, et d’autre part, dans les pays à étalon d’argent, comme l’Inde par exemple, on n’a constaté aucune hausse générale des prix. Or c’est ainsi que se manifeste l’abaissement de valeur de la monnaie. En tout cas, la commission nommée par le parlement anglais pour s’enquérir des causes de la dépréciation de l’argent, le Silver-Committee, présidé par l’éminent financier et économiste M. Goschen, a démontré à la dernière évidence que ce phénomène avait pour cause, non un excès de production, mais les ventes d’argent faites par l’Allemagne, — ce qui augmentait l’offre, — et la suspension de la frappe de ce métal dans les états de l’union latine, — ce qui réduisait la demande. Ajoutez à cela une réduction tout à fait inusitée des envois d’argent vers l’Inde.

On avait fait grand bruit des centaines de millions dont les mines du Nevada, et surtout le fameux Comstock lode, allaient inonder l’Europe. Quand on a examiné les faits de plus près, on s’est aperçu que ce filon, qui est en effet le plus riche que l’on ait jamais trouvé, livre presque autant d’or que d’argent, — 49 pour 100 en valeur, — et que par suite il ne peut guère avoir modifié le rapport entre les deux métaux. D’après le docteur Linderman, directeur de la Monnaie aux États-Unis, la production totale d’argent dans l’Union peut être portée pour 1875 à 160 millions de francs, dont 110 millions pour l’état de Nevada. Les agens de MM. Rothschild à San-Francisco estiment la production totale de l’argent aux États-Unis à 200 millions pour la même année 1875. En 1876, les mines du Nevada ont donné plus que l’année précédente ; mais l’année 1877 a été moins favorable, et le produit est retombé à ce qu’il était en 1875. On travaille déjà à 2,000 pieds de profondeur. Les difficultés augmentent, car les parties les plus riches du filon montrent des signes d’appauvrissement. Ce qui est de mauvais augure pour l’avenir, c’est que le cours des actions de la mine la plus riche, le