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consommation : 280 millions pour les arts et l’industrie, 250 pour le frai, 250 pour solder la balance du commerce avec l’Asie, et nous arrivons à 780 millions. La production étant de 850 millions, il reste disponibles environ 75 millions annuellement pour les deux métaux.

Qu’on veuille bien faire attention à ce chiffre, il est plein d’enseignemens. Il explique d’abord comment l’Allemagne éprouve tant de difficultés, malgré les 5 milliards que la France lui a payés, à terminer sa réforme monétaire ; il prouve aussi que les États-Unis n’auraient pu reprendre les paiemens en numéraire sur la base de l’étalon d’or. Cette somme n’est pas suffisante pour faire face aux nécessités de l’échange, qui augmentent en proportion de l’accroissement de la population, de la richesse et du mouvement des affaires. Dans les pays occidentaux, y compris les deux Amériques, la population augmente de plus de 5 millions par an. La quantité de numéraire qui y circule par tête dépasse en moyenne 40 francs. Les statisticiens américains la portent à 50 francs ; en Angleterre elle est de plus de 90 francs et en France de 160 francs. Prenons un minimum : 30 francs. Pour les 5 millions d’habitans dont s’accroît chaque année la population existante, c’est un total de 150 millions qu’il faut ajouter au stock métallique. Ceci suppose que les besoins de la circulation restent les mêmes ; mais ils augmentent considérablement par suite du développement inouï du commerce.

Depuis vingt ans, le commerce extérieur, le seul que puisse relever la statistique, a augmenté en Angleterre de 97 pour 100, en France de 164, en Belgique de 277, en Russie de 269, en Autriche de 215, en Italie de 591. L’Économiste français, à qui j’emprunte ces chiffres, estime, d’après M. F. Neumann, le commerce extérieur du monde entier à 77 milliards en 1872 et 30 milliards seulement en 1852, ce qui fait une augmentation de 140 pour 100. Le commerce de l’Europe a triplé, celui du globe entier a plus que doublé, et rien n’indique que ce mouvement doive se ralentir. Sans doute ces énormes transactions se règlent presque toutes par lettres de change ; mais la monnaie y intervient pour une part : donc, à mesure que le commerce international se développe, il en exige davantage. Le capital, devenant cosmopolite, cherche des placemens à l’étranger, et ceux-ci exigent presque toujours du numéraire pour le paiement des salaires.

Considérons ce qui se passe sous nos yeux. La Russie a laissé une bonne partie de son or dans la péninsule des Balkans et en Roumanie. Pour remplir un peu ses caisses vides, elle devra conserver pendant bien des années toute la production de l’Oural. Si l’Autriche veut faire des routes, des ponts, des chemins de fer dans la Bosnie et l’Herzégovine et achever la ligne jusqu’à Salonique, elle devra payer en monnaie métallique. L’Angleterre dépensera à