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900 millions ; en 1874 elle tombe à la moitié, 450 millions, et si elle s’est relevée depuis jusque vers 500 millions, c’est grâce à l’or extrait des fameuses mines d’argent du Nevada. Ce sont celles-ci qui ont porté la production de l’argent de 250 à 350 millions. Néanmoins la production totale des deux métaux a notablement diminué : elle a atteint un moment 1 milliard, aujourd’hui elle n’est plus que de 850 millions ; donc 150 millions de déficit.

Essayons maintenant de nous faire une idée de la consommation des métaux précieux. Les arts et l’industrie en absorbent une quantité qui augmente rapidement en raison de l’aisance, qui devient plus générale, et des habitudes de luxe, qui s’étendent et se développent dans toutes les classes. M. Michel Chevalier estimait vers 1855 qu’en dehors de leur emploi comme moyen de circulation la France consommait pour 60 millions de francs d’or et d’argent ; on calcule qu’il lui en faut aujourd’hui plus de 70 millions. L’Angleterre en exige presque autant ; Bagehot, l’éminent et regretté directeur de l’Economist, a prouvé qu’elle reliant chaque année au moins 5 millions de livres sterling. Birmingham seul emploie pour 30 millions de francs d’or par an. On a remarqué en Angleterre que, tandis que la consommation de l’argent pour les bijoux et l’argenterie restait stationnaire, celle de l’or avait plus que doublé dans les dix dernières années. Parmi les nations riches à qui il faut beaucoup d’objets d’or et d’argent, il y a lieu de compter encore les États-Unis, la Hollande, la Belgique, le Canada et l’Australie avec 60 millions d’habitans qui exigeront certainement autant que la France ou l’Angleterre, soit encore 70 millions. Si pour toutes les autres nations, Russie, Allemagne, Italie, Autriche, Espagne, les royaumes Scandinaves, le Mexique et toute l’Amérique méridionale, nous prenons une part égale, nous arrivons à un total de 280 millions[1] pour les arts et l’industrie. Maintenant il faut faire face à l’usure des monnaies, au frai. Les estimations du frai varient de 1/4 à 1/2 pour 100 de la valeur du numéraire en circulation. On estime que pour les besoins monétaires il faut environ 250 millions.

L’Indo-Chine absorbe aussi des quantités de métaux précieux très considérables. D’après le Silver-Committee anglais, on y aurait expédié depuis quarante ans pour 5 milliards d’argent et pour 2 milliards 1/2 d’or, en tout 7 milliards 1/2, ce qui ferait par an 187 millions de francs. Si l’on ne prend que les vingt-cinq dernières années, on arrive à un total encore plus élevé, qui monte à environ 250 millions. Additionnons tous les chiffres de la

  1. M. Macculloch, il y a bien des années déjà, proposait le chiffre de 13 millions de livres sterling ou 375 millions de francs, chiffre que M. Seyd trouve trop bas, même pour l’époque. — M. Ottomar Haupt (Gold und Silber, chap. XXXI,) s’appuyant sur les données les plus récentes, estime le frai à 250 millions dont 110 millions pour l’or et 150 pour l’argent.