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répétées. Pauvre roi chevalier, fait pour d’autres batailles et d’autres émotions, « accompli en tout exercice de guerre, » destiné à s’user dans des plaisirs inquiets. Il se consume dans ces joutes stériles d’une chevalerie déchue, joutes trop mêlées, dit Juvénal des Ursins, « de choses déshonnêtes en matière d’amourettes. » — Le roi s’ennuie ! C’est pour cela qu’il se jette en tant d’amusemens bizarres. Où est-il, le roi populaire, aimé alors, dans cette fête publique qui vient de nous montrer la reine dans tout son éclat ? De quelles pompes le voit-on entouré ? Il se cache obscur dans la foule pour mieux s’amuser. Il trouve piquant d’aller voir passer la reine en grand équipage comme un simple bourgeois. Curieux jusqu’à vouloir approcher de trop près, il reçoit des sergens plus d’un horion. On sait à quel danger il s’expose une autre fois ; enveloppé dans un sac, il faillit être brûlé. Il est certain qu’en ce temps où la France avait tant besoin de se recueillir et de se refaire, elle paraît elle-même atteinte de la contagion des fêtes. Elle ne pense plus à l’Anglais. Fêtes splendides, toujours et partout, coup sur coup, à Melun comme à Paris, pour le mariage du jeune duc d’Orléans avec la fille du duc de Milan. Fêtes dans des voyages qui changent les villes en autant de Paris pour la magnificence et le plaisir. C’est à qui fera le plus de la Bourgogne ou de la France. Lorsque le jeune roi eut châtié la révolte des Parisiens en mettant sur eux force impôts, le duc Philippe le Hardi, qui ne savait pas ce que c’était que compter avec l’argent, voulut d’abord lui faire traverser la Bourgogne, et des ordres furent donnés pour qu’on se préparât à le recevoir. On n’imagine pas ce qu’étaient de tels frais de réception. Lorsque le roi s’arrête en une ville, il ne faut pas, pour le nourrir lui et sa suite, moins que six bœufs, quatre-vingts moutons, trente veaux, sept cents poulets, deux cents pigeons et beaucoup d’autres objets pour la table, l’écurie et l’éclairage. On estimait à 230 livres les frais d’une journée du roi. Les grandes villes, comme Dijon, avaient aussi des présens à offrir en joyaux et vaisselle d’argent ; mais Charles n’ayant point passé par le duché, les villes en furent pour leurs emprunts, et les bourgeois pour les taxes qu’ils avaient payées. Si la Bourgogne paya sans recevoir le roi, d’autres pays le reçurent sans payer moins. Ainsi, par exemple, la ville de Lyon, où Charles passa deux mois avec ses oncles en déployant son train accoutumé.

Laissons les brillantes entrées et fêtes de Charles VII, par trop analogues à celles-là. Un prince qui fuyait les profusions avec au tant d’horreur que Louis XI ne pouvait avoir de penchant pour ces solennités dispendieuses, peu en rapport avec son antipathie pour la représentation. Que seront les fêtes pour un tel roi ? Des