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Geoffroy de Preuilly, auquel on doit l’invention des tournois, qui torneamenta invertit. » Les tournois ont-ils eu, à probablement parler, un inventeur ? N’avaient-ils pas des précédens dans ces jeux militaires donnés en présence de Charles le Chauve et de Louis le Germanique, qui consistent dans un combat simulé où luttent deux troupes d’élite en brandissant leurs lances ? La féodalité développa ce germe ; elle marqua de son empreinte un usage plus d’une fois déjà pratiqué. Rien de comparable au reste comme originalité n’avait été imaginé depuis l’ancienne Grèce. Jamais plus pompeux appareil ne s’était déployé devant les regards éblouis. Nui de ces jeux solennels du passé classique n’avait pu donner la moindre idée de ce mélange de vaillance aventureuse et de galanterie chevaleresque. Un tel genre de fêtes est véritablement une création de toutes pièces de cette société du moyen âge. Il est superflu de faire remarquer que cet élément s’est totalement effacé dans nos solennités publiques. C’est bien de celles-ci qu’on est en droit de demander : Où est la femme ? On la cherche sans l’y trouver. Les femmes aujourd’hui se rencontrent partout et n’ont d’action spécialement nulle part. Le XVIIIe siècle avait laissé subsister dans les salons les joutes de l’esprit dont elles étaient juges. Celles-là même ont disparu.

Choisissons seulement les détails caractéristiques au milieu de ces particularités, dont nos bavards chroniqueurs, qui sont bien de leur temps et de leur pays, se montrent si prodigues. On voit qu’ils sont les premiers séduits par ce qu’ils racontent. Tout les enchante et les amuse. Ils sont ébahis devant toutes les surprises, en extase devant tous les costumes, éblouis par tout ce qui brille, ravis d’aise par tous les pas d’armes et par tous les « esbatemens » auxquels se livrent les princes. Froissart, Monstrelet, Olivier de la Marche, etc., ne tarissent pas sur ce sujet. Voyez le récit, sous Charles VI, de la première fête donnée par ce roi, dont le souvenir rappelle tant de fêtes et tant de malheurs. Il s’agissait de conférer la chevalerie au roi de Sicile et au duc du Maine, fils du duc d’Anjou, qui avait péri quelques années auparavant dans l’expédition d’Italie, et dont la veuve s’était réfugiée auprès du roi. Ce fut à Saint-Denis que le roi donna lui-même l’accolade à ses jeunes cousins. Les trois jours suivans y furent consacrés à ces divertissemens où le code de la chevalerie se faisait scrupulesement obéir. Ainsi, dans la première journée, vous voyez les chevaliers jouter et le roi lui-même paraître comme tenant ; il porte pour emblème un soleil d’or ; son cortège est formé des princes du sang et de tous les principaux chevaliers du royaume. Chaque chevalier est appelé à l’entrée de la lice par une dame richement parée qui guide son cheval par un ruban d’or et qui elle-même est montée sur une haquenée. Tout continue