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précieuses, double tenture d’or et de soie. Paris s’émut à l’aspect de son monarque. Les rues furent tapissées ; les artisans, divisés en corps de métiers, les uns à pied, les autres à cheval, étaient vêtus d’une manière différente pour chaque confrérie. Les fêtes durèrent huit jours. On a aussi le récit détaillé du sacre, du couronnement, des fêtes et festins donnés en 1380 dans la cour du palais couverte d’une tente, et où le roi et les chevaliers déploient à l’envi la plus grande magnificence. Dans l’église Notre-Dame, très richement parée « séoit le jeune roy, en habit royal, en une chaire élevée moult haut, paré et vestu de draps d’or, si très riches qu’on ne pouvoit avoir plus ; et tous les jeunes et nouveaux chevaliers dessous, sur bas échafauds couverts de draps d’or, à ses pieds,… et séoit le roy en majesté royale, la couronne très riche et outre mesure précieuse en chef. »

Ces fêtes conservent sous la royauté des premiers Valois un caractère chevaleresque et féodal. Il y a dans toutes ces solennités un élément nobiliaire et militaire qui fait spectacle. La masse est vivement intéressée par la beauté des armes et des costumes, par le nombre et les ornemens éclatans des chevaux. Entre ces fêtes de la royauté chevaleresque et celles de notre société démocratique les différences se présentent d’elles-mêmes. Nos revues militaires n’ont-elles pas aussi pourtant leur grandeur et leur éclat ? Quelles que soient l’éclatante richesse, la pittoresque variété des uniformes, ce n’est point par là pourtant qu’elles peuvent entrer en lutte avec ces pompes du passé. Mais la pensée qu’éveillent ces grands ensembles, si mobiles en même temps que si imposans, n’a-t-elle pas sa valeur morale ? L’élément militaire, peu discipliné sous la royauté des Valois, manquant d’unité, tire alors sa beauté de sa variété même et de ce qu’il a de libre et d’aventureux. Il tire la sienne aujourd’hui de sa forte organisation, de sa puissante discipline, de son unité même, vivante image de l’unité nationale. Voilà où est la vraie supériorité moderne. Laissons à la royauté encore toute imprégnée des usages féodaux celle de la fantaisie la plus brillante, unie à cette magnificence d’armures et de costumes pour jamais disparue.

La partie toute chevaleresque de ces anciennes solennités a été l’objet de fréquentes descriptions, et les romanciers qui s’y sont complu comme Walter Scott n’ont eu qu’à puiser à pleines mains dans nos vieux chroniqueurs. Les tournois sont nés en France, et les nations étrangères, l’Angleterre notamment, nous les ont ensuite empruntés. On est allé même jusqu’à désigner nominativement l’inventeur, qui serait le chef de la maison des comtes de Vendôme. « En l’année 1066, dit la chronique de Tours, périt