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république. On craint aussi par la même raison d’aller chercher dans le passé quelque pure renommée qui ne rappelle que des souvenirs de patriotisme et de gloire. Peut-être aurait-on pu se rallier autour de l’héroïne incontestée de l’indépendance nationale et de l’unité française. Mais non : le nom sans tache de cette noble libératrice du territoire, condamnée à être brûlée comme hérétique et sorcière, se trouve avoir pris une signification cléricale. Voilà donc Jeanne d’Arc mise hors de concours. Nul choix de nom, nulle date célèbre qui ne devienne une pierre d’achoppement. Pourquoi ne pas prendre la convocation des états-généraux ? Mais pour les uns ce n’est pas assez, et pour les autres c’est déjà trop. Célébrer le triomphe d’un parti ! mais ce serait réveiller le souvenir de l’humiliation et de la défaite sanglante de tous les autres. On a cru tout arranger pour cette fois en s’arrêtant à une époque neutre, ne se rattachant à rien d’historique, sous les auspices de la belle saison. Cela valait mieux assurément que d’évoquer des souvenirs irritans qui ne demandent qu’à s’effacer.

Le passé ne saurait sans doute nous fournir les moyens de résoudre ces difficultés. Il y échappait par le caractère nettement défini d’institutions peu susceptibles d’interprétations différentes. Il lui eût été facile de solenniser des dates politiques. Les anniversaires ne manquaient pas à son histoire tant intérieure qu’extérieure. Eh bien ! le gouvernement de l’ancienne France n’a pas connu de telles fêtes commémoratives. Les Capet n’ont pas eu l’idée de fêter périodiquement leur avènement au trône. Il faut descendre jusqu’à une époque bien moderne pour rencontrer la célébration de la Saint-Louis.

La périodicité sous l’ancienne monarchie ne se trouve que dans des réjouissances d’un caractère tout populaire. Il suffit d’en rappeler quelques-unes. Telle qui se présente avec une apparence de bonhomie et de naïveté, et semble exclure tout pompeux appareil, n’avait pas moins une grande solennité : ainsi, à Paris même, les fameux feux de la Saint-Jean, célébrés le 22 juin de chaque année. La population parisienne y attachait une véritable importance. Les autorités militaires, civiles et municipales y jouaient leur rôle. Les trois compagnies des archers, gardes de l’Hôtel de Ville de Paris, infanterie et cavalerie, l’état-major et un officier à leur tête, allaient, « au nom de messieurs de l’Hôtel de Ville, » faire semonces au chancelier, au gouverneur de Paris, aux présidens des cours souveraines, etc., d’y assister. Le lendemain, la cérémonie était célébrée par lesdites autorités. Le prévôt des marchands, les échevins, le procureur du roi, le greffier et le receveur de l’Hôtel de Ville, portaient tous guirlandes et fleurs en baudrier à Marseille, la fête