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de ces chefs-lieux de province ou de district ayant, comme les cités américaines, été construits ou dessinés pour l’avenir, en vue d’une population qui se fait souvent attendre. Aussi pour nombre de ces soi-disant villes des bords du Don ou du Volga, ce qui dans nos vieilles villes d’Occident semble une nécessité paraît un objet de luxe.

Le gaz est encore loin d’éclairer de sa vulgaire lumière tous les chefs-lieux de district, et la plupart même des capitales de province n’ont que peu ou point de rues pavées[1]. Avec une pareille pénurie pour les besoins les plus élémentaires, il reste aux villes russes bien peu de fonds pour les grands travaux d’assainissement ou d’embellissement : Saint-Pétersbourg attend en vain qu’on dessèche ses marécages, et Odessa est demeurée jusqu’à ces dernières années sans eau potable. Comme les zemstvos de province, les municipalités urbaines ont des dépenses imposées par la loi et qui souvent prélèvent le plus clair de leurs recettes : tel est l’entretien de la police et des prisons, tels sont aussi les subsides aux institutions judiciaires locales. A Saint-Pétersbourg, les dépenses de cette sorte absorbent au-delà de 1 million 1/2 de roubles, soit environ le tiers du budget municipal[2]. Il y a encore les hôpitaux, qui sont à la charge de la ville et qui dans l’insalubre cité de la Neva exigent des frais considérables. Les municipalités voudraient, non sans raison, rejeter sur l’état une bonne part des charges qu’il leur impose ; mais l’état, depuis la dernière guerre surtout, est lui-même trop besoigneux pour reprendre à son compte des dépenses dont il peut se décharger sur autrui.

La pauvreté de la plupart des municipalités est extrême, presque toutes sont endettées et peu trouvent encore à emprunter. Quelques-unes de ces prétendues villes n’ont pour tout revenu annuel que quelques centaines de roubles et ne pourraient compter leurs recettes par milliers de francs[3]. On comprend que de pareilles cités aient peine à soutenir leur titre de ville. Dans les chefs-lieux

  1. Le manque de pierre apporte dans beaucoup de régions un obstacle au pavage et à l’entretien des rues ou des routes. Aussi dans certaines villes, à Saint-Pétersbourg en particulier, a-t-on essayé le pavage en bois et même le pavage en fer.
  2. La police de Saint-Pétersbourg, qui sous la direction du général Trépof était du reste fort bien faite, coûtait à elle seule dans ces dernières années environ douze cent mille roubles dont l’état ne payait pas un quart.
  3. Dans plusieurs, le revenu ne dépassait pas 300 et même 200 roubles, c’est-à-dire moins de 1,000 fr. Un grand nombre de villes de district n’avaient encore il y a quelques années que 3,000 ou 4,000 roubles de revenu ; quelques-unes même moins de 1,000. Voyez le Statistilchestki Vrémenik de 1871. Les chiffres à ce sujet sont malheureusement assez difficiles à se procurer. Nous ne savons pourquoi dans son utile Annuaire des finances russes, publié sous les auspices du ministère des finances, M. Vesselovsky ne fait aucune place aux villes et aux provinces.