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saint Félix ; mais il y prenait le même plaisir, et son enthousiasme n’avait pas vieilli d’un jour.

L’enthousiasme populaire ne se lassait pas non plus. Tous les ans l’assistance était plus nombreuse. On venait non-seulement de la Campanie, de l’Apulie, des Calabres, de Naples et de Capoue, mais du Latium et de Rome. « Rome, toute fière qu’elle est de Pierre et de Paul, se réjouit de voir le nombre de ses habitans diminuer quand revient ce jour heureux. De la porte Capène se précipitent des milliers de personnes que la distance n’arrête pas. La voie Appienne disparaît sous la foule qui se presse. » Nole a grand’peine à contenir cette multitude de gens qui lui vient de tous les pays. Elle les loge comme elle peut. « Ce sont plusieurs villes qui se serrent dans une seule. » Un jour parmi ces visiteurs lointains on en vit un qui venait encore de plus, loin que les autres et dont l’arrivée causa autant d’admiration que de surprise. C’était Nicétas, l’évêque des Daces, qui parcourait l’Italie, et que la renommée de saint Félix avait amené à son tombeau. Paulin se lia tendrement avec cet ami de passage, et quand il s’en retourna chez lui il lui adressa une belle ode en vers saphiques où il se plaisait à se figurer le retour de Nicétas dans son pays, et se représentait les jeunes garçons et les jeunes filles qui venaient, à sa rentrée, au-devant de leur évoque. « Qui me donnera, disait-il, les ailes de la colombe, pour que je puisse assister à ces chœurs qui, inspirés par toi, frappent les airs en chantant le Christ ? »

Les spectacles que donnait aux pèlerins la fête de saint Félix justifiaient leur affluence. La vieille basilique de Nole se décorait ce jour-là de tous ses atours. « La voûte dorée resplendissait de voiles blancs, l’autel rayonnait de lumières, l’air était embaumé de parfums, l’éclat des lampes rendait la nuit plus brillante que le jour, et la clarté du jour semblait augmentée par les flambeaux qu’on allumait pour la fête. » Il était rare aussi que le saint ne fît pas quelque miracle. La guérison des possédés était un des plus ordinaires ; il les guérissait toute l’année, mais principalement le jour de sa fête. Ces malheureux qu’on voyait quelquefois errer par les chemins, « mangeant les poules crues et les bêtes mortes, et disputant aux chiens leurs repas hideux, » étaient amenés de tous les côtés à Nole. A l’approche de la basilique, ils se livraient à des contorsions horribles. « Leurs dents grincent, dit saint Paulin, leurs cheveux se hérissent, leurs lèvres sont blanches d’écume, leur corps tremble, leur tête s’agite d’un mouvement vertigineux, tantôt ils se prennent eux-mêmes par la chevelure et s’élèvent en l’air, tantôt ils se pendent par les pieds. » L’exorciste les entraîne devant le tombeau de saint Félix ; alors commencent entre le prêtre qui commande et le démon qui résiste les entretiens les plus étranges,