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différens de ceux de leurs compatriotes, ont un esprit de secte ou de coterie si prononcé, qu’il serait difficile de leur abandonner entièrement les affaires municipales.

Les doumas russes tiennent d’ordinaire peu de séances, et la plupart de leurs membres montrent peu d’assiduité à siéger. Il est difficile de décider si le grand nombre des conseillers a pour objet de suppléer à leur peu de zèle ou si au contraire le zèle des membres de la douma n’est pas refroidi par leur nombre même. Ce qui est certain, c’est que les élus montrent souvent aussi peu d’empressement à se rendre au conseil que les électeurs à participer aux assemblées électorales. A Saint-Pétersbourg même, les plus graves décisions ont été prises en présence d’un tiers ou d’un quart seulement des membres du conseil, et il n’est pas rare que la discussion ou le vote sur les affaires les plus urgentes soient ajournés parce que l’assemblée n’est pas en nombre. Pourtant, dans les deux capitales, la loi n’exige pour les affaires courantes que la présence d’un cinquième des membres de la douma. A Saint-Pétersbourg, sur 252 conseillers, il en siège à peine 100 à chaque séance, et il est arrivé que le nombre des conseillers présens descendait au-dessous de 60[1]. Une pareille négligence dans la capitale donne une triste idée des petites municipalités de province.

Les doumas des villes nous montrent peut-être mieux encore que les assemblées territoriales le peu d’application des Russes aux affaires publiques, leur peu de goût pour les fonctions électives, pour les fonctions gratuites du moins. Les marchands des villes ne semblent point à cet égard différer beaucoup des propriétaires de la campagne ou la bourgeoisie de la noblesse. Dans toutes les classes, les services non rétribués rencontrent peu d’amateurs, et, si la vanité ou l’ambition font accepter un mandat électif, on apporte peu de conscience et peu de scrupule à le remplir. Cette négligence, cette égale incurie de l’électeur et de l’élu, est aujourd’hui un obstacle à l’établissement du self-government local en Russie. Aux conseillers municipaux de même qu’aux membres des zemstvos, on a proposé d’allouer une indemnité pécuniaire en vertu du principe démocratique que tout service mérite rétribution. Une chose paraît certaine, c’est que toutes les doumas de l’empire ne tarderaient pas à se voter une subvention ou des jetons de présence, si la loi ou le mauvais état des finances municipales n’y mettait obstacle. Déjà les maires touchent d’ordinaire une indemnité aux frais de la commune. Dans les grandes villes, à Saint-Pétersbourg en particulier, les membres qui siègent dans les commissions et sous-commissions (et ces commissions sont fort nombreuses)

  1. Voyez les comptes-rendus donnés par quelques journaux russes, spécialement par le Golos, n° 264 de 1876.