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cette bizarre égalité entre les votans et les élus, on y rencontre un autre phénomène non moins étonnant pour nous : il y a souvent plus de candidats proposés que d’électeurs à prendre part au vote[1]. Le grand nombre des candidats peut d’ordinaire être regardé comme un signe de l’activité électorale et de l’intérêt public ; ici ce semble plutôt une marque de l’indifférence publique. Quand il y a moins d’électeurs à déposer leur bulletin que de candidats offerts aux suffrages de leurs concitoyens, il faut que beaucoup des votans veuillent rejeter sur d’autres le léger fardeau des fonctions municipales.

Les électeurs de chaque catégorie montreraient sans doute plus d’empressement à participer aux élections urbaines, si, au lieu d’être tous réunis et confondus en une assemblée unique, ils étaient divisés en assemblées partielles, selon les différens quartiers des villes. La représentation par quartier, telle qu’elle se pratique en d’autres pays, pourrait avec avantage être substituée à la représentation par groupes de contribuables. Elle n’a du reste rien d’incompatible avec la lettre ou avec l’esprit du vote par catégorie, aujourd’hui en vigueur. Dans toutes les villes un peu populeuses, un tel sectionnement paraît indispensable au moins pour le second, et surtout pour le troisième collège, qui peut compter plusieurs milliers d’électeurs. En restreignant les assemblées électorales, en y attirant plus de votans et en bornant le nombre des choix, on améliorerait la valeur du scrutin. Ce serait là un des moyens les plus simples de ramener aux élections municipales l’intérêt public, en leur rendant plus de sérieux, plus de vérité, plus d’équité. Dans les grandes villes en particulier, dans les deux capitales, dont les différens quartiers pourraient être regardés comme autant de villes, ayant chacune leur population, leur esprit, leurs intérêts, une liste unique ne peut assurer une représentation sincère et complète. Pour des agglomérations aussi étendues et souvent aussi disparates, c’est déjà beaucoup d’une municipalité unique[2].

Les réformes de l’empereur Alexandre n’ont encore pu communiquer aux institutions municipales la vie et l’activité dont elles étaient dépourvues sous le régime antérieur. Ce n’est pas seulement que la législation ne possède point le pouvoir d’animer les institutions,

  1. A Saint-Péterbourg, dans cette même année 1873, on avait porté 238 candidats dans le premier collège, 298 dans le second et 1,019 dans le troisième, de sorte que le nombre total des candidats mis aux voix (1,555) était supérieur au chiffre total dès électeurs ayant pris part au scrutin (1,411).
  2. Dans ces dernières années, en 1877 croyons-nous, le conseil municipal de Saint-Pétersbourg a été saisi d’une proposition réclamant le sectionnement de la ville. Le conseil l’a repoussée. Ce serait, nous semble-t-il, au gouvernement, d’accord avec les zemstvos, de prendra l’initiative de pareilles mesures.