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et de Henri II, il y a des bahuts, des crédences, des bibliothèques, des buffets, des dressoirs de noyer, de chêne ou de bois noir, avec frontons brisés et arrondis en valves, entablemens en saillie, sveltes colonnettes cannelées, nymphes et faunes en cariatides ; il y a des cheminées monumentales sculptées en chêne, de grands lits de bois noir à colonnes torses et à dais de velours de Gênes, des cabinets d’ébène compliqués, remplis de petits tiroirs et de cachettes imprévues. Sur le bois courent les entrelacs et les arabesques d’ivoire, se modèlent les fines sculptures, s’appliquent les rectangles de lapis et de porphyre, brillent les émaux de Limoges ou s’encastrent les panneaux de buis sculptés, d’un ton de vieil ivoire. Le style Louis XIV est représenté par ses grands canapés et ses larges fauteuils de bois doré, dont les tapisseries d’Aubusson recouvrent les sièges, les dossiers et les bras ; le style Louis XV, par de charmantes vitrines de bois doré, dignes de contenir les plus ravissantes figurines de vieux saxe, les tabatières d’or ciselé, les éventails pompadour, les pommes de cannes et les souliers de porcelaine. Voici encore tout un mobilier de même style, lit, chaises, consoles, tables, guéridons, chiffonniers, en vernis Martin. Sur des fonds rutilans, or, cuivre ou pelure d’oignon, fléchissent des guirlandes de fleurs, s’enchevêtrent les rinceaux capricieux et s’enlèvent de jolies figures peintes, groupes d’amours ou triomphes de Vénus. Ce lit, sous son dais empanaché de marabouts blancs, semble fait pour servir de couche à la fée Rocaille.

L’ameublement Louis XVI, plus sévère, mais non moins gracieux, ne se contente pas seulement du chêne sculpté, doré ou peint en blanc. Il prend des essences plus précieuses et plus variées, l’érable, le citronnier, le corail, l’acajou, le thuya, l’amarante. Voyez ce grand lit d’érable rechampi de filets de citronnier et de corail, garni de bronze doré et ciselé ; voyez aussi ce bureau-cylindre d’acajou massif à garnitures de bronze doré, et ce piano à queue, véritable monument de thuya blond et d’érable, décoré de bronzes admirablement ciselés et de fêtes galantes peintes par Gonzalès. Dans les meubles où la fantaisie et l’invention ont plus de part, on remarque tout un intérieur de style néo-pompéien : sièges de chêne sculpté de forme antique, lambris de marqueterie de bois de couleur et panneaux d’étoffes brodées imitant les fresques ornementales de Pompéi. Cet ameublement n’est pas conçu sans goût, mais l’artiste est parti d’une idée fausse. La matière qu’il a employée n’était pas en rapport avec le style qui l’a inspiré. C’est un jeu puéril que de vouloir faire jouer au bois en applique le rôle du marbre en revêtement et à l’étoffe le rôle de la peinture murale. Il faut bien parler encore d’un intérieur d’une recherche précieuse et extravagante pour lequel nous ne partageons pas l’admiration commune. C’est