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milieu de ces pelleteries du nord s’étale la peau fauve et zébrée d’un tigre ! L’exposition norvégienne tourne ainsi au banal étalage d’un pelletier cosmopolite.

Le Danemark s’est-il donc annexé à la Grèce ? On le croirait à voir les innombrables poteries grecques, coupes, amphores, lécythes, œnochoès, cratères, qui encombrent ses vitrines et garnissent ses étagères. Ce goût de l’antique est-il soudain venu aux Danois quand le prince George de Danemark est monté sur le trône de Grèce ? ou n’est-ce pas plutôt le sculpteur Thorvaldsen, dont la mémoire est un culte pour les Danois, qui l’a importé chez ses compatriotes le jour de son retour triomphal à Copenhague ? Voici d’ailleurs des bahuts de chêne, des porcelaines à décors de Saxe et de Sèvres, des bijoux d’argent niellés d’or et de magnifiques cuirs pour tenture repoussés et mordorés qui n’ont rien d’hellénique, et cette façade de brique et de pierre à fronton échancré et à ornemens contournés qui procède du style de la renaissance et du style du XVIIe siècle n’est pas imitée de celle du Parthénon.


III

Il semble que la dualité de l’empire austro-hongrois tourne à la rivalité industrielle des deux états, et ainsi au triomphe des deux industries. On serait embarrassé de décider qui l’emporte pour le goût et pour l’habileté des Hongrois ou des Autrichiens. Il y a cependant plus de richesse et plus d’invention chez ceux-là ; un travail plus serré et plus fini chez ceux-ci. La Hongrie expose une porte monumentale de chêne blanc à larges ferrures d’acier poli, des bahuts et des horloges de chêne, ouvrés et fouillés comme de l’ivoire, des chaises de bois blanc tourné et courbé, fort originales, des broches, des pendans d’oreilles et des agrafes de ceinturon repoussés en or et semés de turquoises et de grenats cabochons. Les fabriques de Bude-Pesth tentent d’imiter les porcelaines de Saxe, de Vienne et de Delft ; mais les émaux qu’elles emploient, trop crus de ton, rendent en jaune serin et en bleu perruquier les jaunes si fondus et les bleus si doux du vieux saxe. Ou le goût demi-oriental des Hongrois se donne libre carrière, c’est dans ces costumes de laine blanche brodée de fleurs de vives couleurs ou soutachés de capricieuses arabesques, dans ces superbes uniformes militaires bleu-clair ou rouge, bordés de fourrures et couverts de galons, de soutachés, de torsades, de tresses et de passementeries d’or, dans ces sabres courbes à lames damasquinées, à poignées d’ivoire et d’or, à fourreaux de velours ou de chagrin constellés de pierreries.

Les Autrichiens excellent à travailler le fer. Ils le ploient, le