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qui vaille qu’on s’y arrête. Passons donc rapidement devant ces meubles de chêne sculpté, ces étoffes de soie et de laine, et ces faïences hispano-moresques d’une fabrication trop élémentaire ; jetons un regard moins défavorable sur ces grossières poteries de terre blanche à ornemens repoussés qui ont beaucoup de caractère et pénétrons dans le pavillon annexe de l’agriculture, où l’Espagne donne une merveilleuse vision. Lisez à la fin du Ve livre du Pantagruella. « mirificque » description du temple de la « dive bouteille, » et vous aurez l’idée de la grotte des vins d’Espagne qui occupe le fond du pavillon. On y accède par un portique formé de trois arcades en fer à cheval dont des milliers de bouteilles, diversement nuancées par les vins, les liqueurs, les huiles qu’elles contiennent, sont les seuls matériaux. A l’intérieur, les parois de la grotte et ses colonnes à chapiteaux moresques sont également construites avec des bouteilles, disposées en losanges, en trèfles, en entrelacs, en arabesques. D’autres bouteilles placées en encorbellement, le goulot en bas, pendent de la voûte comme des stalactites. La grotte, n’ayant pas de jours directs sur le dehors, reste dans une chaude pénombre, éclairée seulement par la lumière du soleil qui transparaît à travers les fioles de verre. Pour multiplier les effets lumineux, un cylindre de glace qui, caché sous des pampres artificiels, tourne sans cesse sur lui-même, renvoie en mille feux sur les parois les scintillemens multicolores qu’il en reçoit. Les riches couleurs des vins d’Espagne parcourent toute la gamme des rouges et des jaunes, depuis le pourpre et l’or jusqu’au capucine et au brun Van Dyck. Mais on a encore augmenté cette éclatante palette en joignant aux vins les liqueurs vertes et roses et en mettant certains vins blancs dans des bouteilles de verre violet. Ainsi les émeraudes et les améthystes brillent dans cette grotte féerique au milieu des diamans, des rubis, des grenats, des topazes, des chrysolithes, des girasols et des béryls.

Ce portail, qui ouvre sa large ogive surbaissée qu’encadre un quadruple bourrelet de pierre, tout brodé de sculptures et ouvré à jour comme une dentelle, et qu’accompagnent de sveltes colonnettes, des clochetons aigus et des statuettes de saints reposant sur des pendentifs découpés, est pris au monastère de Belem. Il sert maintenant de façade à l’exposition portugaise. Pour ne parler que des choses les plus originales, le Portugal expose des meubles de châtaignier, de style arabe, très habilement sculptés, des majoliques et des poteries d’argile rouge, de style hispano-moresque, de somptueuses étoffes d’église lamées d’or, d’énormes cierges bossues à ornemens en relief et rechampis de vives couleurs, de merveilleuses broderies sur tulle, de fines nattes de paille tressées