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composites de stuc vert, à ornemens de terre cuite sculptée et à médaillons de mosaïque sur fond or, qui donne accès à son exposition. Mais pour l’art industriel, la France, l’Angleterre, l’Autriche ont pris à l’Italie ses formes et ses décors, et elles ont si bien perfectionné la fabrication des meubles et des céramiques, qu’aujourd’hui les ouvriers étrangers surpassent les ouvriers italiens dans les bronzes, les majoliques, les bahuts de noyer sculpté et les cabinets d’ébène à incrustations d’ivoire, qui sont pourtant d’origine italienne.

Il ne faut regarder dans les galeries de l’exposition italienne que les choses qui n’ont été encore que rarement imitées par les industries des autres pays, telles les fines marqueteries de bois, les mosaïques de marbre représentant des fleurs, des oiseaux, des fruits, des vues de villes et de palais, les applications de nacres sur panneaux de laque. Les bijoux égyptiens, étrusques et pompéiens, colliers de scarabées, pendans d’oreilles et fibules d’or, broches à tête de Méduse ou à profil d’Alexandre, bracelets en oves ou en serpent, sont fort à la mode de l’autre côté des Alpes. L’industrie italienne y réussit bien, à cause même d’une certaine lourdeur de travail qui donne à ces bijoux l’aspect fruste de ceux qu’on vient de retirer des fouilles. Dans la bijouterie, chaque ville d’Italie a sa spécialité. Rome façonne l’or d’après le style antique, Naples sculpte les coraux roses, les camées tendres et la lave du Vésuve, Venise enfile en colliers les perles de verre soufflé, Florence assemble en broches et en médaillons à dessins byzantins sa fine mosaïque qu’on pourrait appeler de la poussière de mosaïque, Gênes enfin tisse ces colliers, ces bracelets et ces chaînes en filigrane d’or et d’argent, si ténu, si léger, si flexible, qu’il a mérité le nom de « mousse génoise. » Les dentelles sont prisées par les femmes à l’égal des joyaux. Elles envieront ces guipures de Venise et ces dentelles de Milan. Mais qu’elles n’admirent pas plus qu’il ne faut l’idée de ce fabricant qui a imaginé de reproduire le dôme de Milan avec son portail ouvré, son abside et ses mille flèches dans une « toilette duchesse ! » Nous préférons à ce meuble de mauvais goût la moindre de ces chaises romaines dont les pieds et le dossier sont formés d’une dizaine de cornes de bœuf entrelacées et dont le siège est recouvert d’une peau de bique. Rien de plus pittoresque. En outre on est là fort commodément assis et parfaitement à l’abri de la jettature.

Où l’Italie est restée sans rivale, c’est dans les verreries de Murano. Quelle fantaisie, quel caprice, quelle grâce dans ces formes renouvelées de l’antique ou de la renaissance, verres à boire à pied fuselé et à piédouche, cornets tordus en spirale, buires