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reproduire les abus qu’ils ont la prétention de détruire. Sans attendre l’attaque de l’armée française, sans prendre une seule disposition pour protéger le massif du Corps législatif et du Palais-Bourbon qui constituait une très importante position militaire, Bergeret décampa virilement et vint, comme nous l’avons vu, prendre possession du château des Tuileries. Il en fit un monceau de cendres et s’y conduisit de façon à prouver qu’il eût été digne d’avoir dans son corps d’armée la compagnie d’artilleurs dynamiteurs que commandait le capitaine Jean-Jean. Il ébaucha tout de suite quelques essais de résistance, ce qui lui fut facile, car dans la nuit du 21 au 22 mai, six batteries avaient été envoyées en réserve dans la cour du château. Une trentaine de pièces furent traînées par des fédérés et par des femmes jusqu’aux terrasses qui dominent la place de la Concorde ; en outre quatre pièces de 12 furent pointées dans la grande allée du jardin. On fit là une belle canonnade sur le Trocadéro, où l’on croyait que nos troupes étaient massées, et sur le)ministère des affaires étrangères, qui fut troué comme une écumoire. Nos soldats heureusement eurent peu à souffrir de ce feu aussi violent que mal dirigé. Bénot, le gouverneur du Louvre, Kaweski, déjà revêtu d’un costume bourgeois, étaient accourus se mettre à la disposition de Bergeret, qui leur promit d’utiliser leur bonne volonté, lorsque le moment serait venu. Dans la journée du 22, Bergeret avait reçu une visite plus importante. Gabriel Ranvier, accompagné d’un commissaire de police et de deux inconnus que l’on prit pour des membres de la commune, arrivèrent aux Tuileries. L’ancien banqueroutier était alors membre du comité de salut public, c’était une puissance en ce jour de malheur, puissance de haine et de destruction qui devait, jusqu’au bout, s’exercer avec une perversité rare. Ranvier, Urbain, Bergeret, causèrent pendant quelques instans ensemble : le colonel Dardelle, le commandant Madeuf, le capitaine Boudin, le planton Minot, regardaient, à distance respectueuse, le conciliabule de ces trois malandrins.

Ranvier et son commissaire de police, ayant appelé quelques fédérés et des employés de la régie, descendirent dans les sous-sols et renouvelèrent un acte que déjà bien souvent nous avons raconté et que nous raconterons encore plus d’une fois, car elle était tenace et absolument invincible, la bêtise de la commune, — Gabriel Ranvier ordonna de briser des portes, fit sonder les murs, inquiet, rauque, brutal, irrité de ne point trouver ce qu’il cherchait. Que cherchait-il donc ? Eh ! parbleu ! le souterrain, le souterrain qui va partout, mais qu’on ne rencontre nulle part. Bénot, qui était là, paraissait fort affairé ; de ses gros poings, il tapait sur les murailles, demandait qu’on l’éclairât, selon son habitude menaçait les