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excusable. Le 25 avril, Fontaine, directeur des domaines, et chargé comme tel de centraliser le produit des vols, à main armée que l’on appelait alors des réquisitions : , adressa la lettre suivante au docteur Rousselle, qui était encore chef des ambulances de l’insurrection et qui s’intitulait chirurgien en chef de la république universelle : « Je puis mettre dès aujourd’hui à votre disposition une grande quantité de draps, serviettes, tabliers, etc., etc., provenant de la maison de l’ex-empereur. » Cela suffisait ; mais Fontaine ne peut résister au besoin de rhétorique sottisière qui travaillait toutes ces pauvres cervelles, et il ajoute : « La commune de Paris est heureuse de pouvoir consacrer au soulagement de braves citoyens qui défendent si héroïquement la république et qui sont blessés en combattant pour nos droits et notre indépendance le linge qui jusqu’ici n’a servi qu’aux valets impériaux de tout grade et de tout rang. » Cette sornette est d’autant plus grotesque que jamais, à aucune époque, sous aucune tyrannie, si ce n’est peut-être pendant la terreur, plus abjecte servitude ne fut imposée par des chefs à leurs subordonnés. Chacun des dépositaires de l’autorité, et ils n’étaient point rares, agissait à sa guise et avec un insupportable despotisme. Pour la moindre fredaine qui déplaisait à ces potentats improvisés, leurs partisans, leurs soldats étaient menacés, incarcérés, traînés en cour martiale et parfois fusillés. Sous le rapport des fantaisies du pouvoir sans contrôle, la commune ressembla singulièrement à ces cours des rois nègres dont les voyageurs nous ont conté l’histoire.

Les Tuileries renfermaient encore une très notable portion des objets de prix appartenant soit au palais, soit à la famille impériale. Tous ces objets trouvés et recueillis après la journée du à septembre avaient été placés, par ordre de la commission de liquidation de la liste civile et du domaine privé, dans la salle dite de l’argenterie et du vermeil, située au quatrième étage du pavillon de Flore. Les surveillans réguliers firent, pendant toute l’insurrection, un service à l’entrée de cette salle. La commune, elle aussi, avait institué une commission chargée de prendre toute mesure préservatrice pour s’assurer de la possession de ces objets, qui ne pouvaient être que « la propriété du peuple. » Cette commission, où je vois les noms de Dardelle, de Madeuf, de Boudin, n’était point rassurante ; heureusement deux honnêtes garçons en font partie : Alphonse Coupey, alors commissaire de police, bientôt juge d’instruction, et Perrichon, directeur à la délégation des finances. Le vrai maître de la commission, son président, est le délégué aux finances François Jourde. Là on le retrouve ce qu’il a été à la Banque de France, sensé, prenant son rôle au sérieux, probe et protégeant les dépôts précieux qu’il ne veut pas laisser gaspiller. Trois fois seulement, dans le courant du mois d’avril, du 14 au 22, la commission se