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de cause, qu’elle n’avait rien à demander, et qu’elle ne pouvait rien accepter dans l’ordre des combinaisons qui pouvaient se présenter au congrès. Son rôle était de demeurer une médiatrice impartiale, de se retrancher le plus possible sur le terrain du droit public, en s’efforçant de sauver ce qui pouvait être sauvé des garanties européennes, en s’employant aussi de son mieux à introduire les principes libéraux dans l’organisation nouvelle de l’Orient. Ce rôle, elle avait à le remplir simplement, de façon à bien faire comprendre que c’était un acte réfléchi de volonté nationale, non une marque de faiblesse. L’acceptation d’une part quelconque, d’un lot dans les arrangemens orientaux eût dénaturé cette attitude. En demeurant ce qu’elle a voulu être, la France a évité de se séparer des autres puissances ou de s’engager. Elle reste libre, laissant aux événemens le soin de dégager les conséquences de combinaisons qu’elle se contente d’observer. Si elle n’est pas allée au-delà, c’est que pour le moment elle ne le devait pas et elle ne le pouvait pas.

Qui le croirait cependant ? Cette réserve, qui était pour notre diplomatie une convenance autant qu’une nécessité, est devenue aussitôt pour l’esprit de parti un texte d’accusations, dirigées contre la France d’aujourd’hui, contre la république. Si notre diplomatie n’a pas tout dirigé ; si elle n’a pas parlé plus haut, c’est la faute de la république ! M. Sella, qui l’autre jour à Rome parlait du patriotisme des partis français suspendant leurs querelles et s’inclinant tous également devant certains intérêts nationaux, M. Sella nous faisait honneur de ce qui est arrivé souvent dans les dernières années ; il ne savait pas qu’il y a aujourd’hui des partis qui ne respectent rien, qui mettent leur patriotisme à tout décrier et qui croient servir leur cause en montrant le pays abaissé, et humilié devant l’étranger. Et d’où viennent surtout ces étranges accusations ? C’est l’empire qui retrouve, la voix pour faire le procès de tout le monde ; mais en vérité, si la France est tenue aujourd’hui de mesurer son action, de garder une attitude non pas humiliée, mais prudemment réservée, si elle subit encore les conséquences d’incomparables désastres, si elle a tout à refaire, et sa position diplomatique et sa puissance militaire, quel, est donc le coupable ? Il n’y en a qu’un, puisque seul, il a eu tous les pouvoirs et il a disposé du pays pendant dix-huit ans ; c’est l’empire qui a tout fait, tout préparé, tout compromis :, jusqu’au jour où a éclaté la catastrophe qui demeure pour la France la révélation sinistre de ce qu’il y avait dans les promesses impériales !


CH. DE MAZADE.